On a laissé entendre, probablement à raison, que le ministre de l'Intérieur est un homme politique qui n'est jamais imprévisible. L'actualité politique de ces derniers mois n'a pas contredit cette impression. C'est à la lumière de cet état de chose qu'une question s'impose: fallait-il désigner un remplaçant à Zerhouni, pour organiser des élections vraiment neutres, comme le souhaite Benflis. Une question d'autant plus légitime que le froid persiste entre la classe politique et le ministre de l'Intérieur à quelques encablures des élections législatives. Même si on fait abstraction de l'hostilité qui a marqué les relations entre les partis de Taleb Ibrahimi et de Ghozali avec Zerhouni, il n'en demeure pas moins que d'autres adversaires lui reprochent son attitude politique. Outre les ârchs, toutes tendances confondues, et les partis implantés en Kabylie, ce sont les islamistes qui affichent leur adversité au ministre. Le dernier en lice est le MSP de Mahfoud Nahnah. Zerhouni, qui fait partie des 11 commis d'Etat qui composent la commission nationale de élections, devra faire face aux arguments de ces trois fronts et qui, sans nul doute, alimenteront les campagnes électorales. Mais en sa qualité de président des deux sous-commissions chargées de l'organisation des opérations électorales et du traitement des questions sécuritaires, il se doit, non seulement de rester zen, mais surtout de faire valoir la neutralité. Une tâche impérative du moment qu'il est appelé à gérer les élections techniquement, mais pas évidente quand le politique prend le dessus. Par deux fois justement, le politique a pris le dessus sur le technique dans les déclarations de Zerhouni. Et de facto, la polémique a été nourrie de part et d'autre. A partir de Blida, et faisant allusion aux islamistes, il a déclaré que les «élections doivent se dérouler dans un esprit républicain, nationaliste et moderniste». Selon lui, «ce courant dominant (par rapport aux islamistes) apparaîtra à travers ces élections avec une forte participation». Deux challenges sont ainsi désignés par M.Zerhouni: le boycott et les islamistes. Des annonces qui n'étaient pas au goût de ces derniers. Le ministre de l'Intérieur a même jeté une bouteille à la mer en disant que les préparatifs de ces élections doivent permettre «de faire ressortir des élus qui travailleront dans l'esprit du courant républicain, nationaliste et moderniste». Est-ce un parti pris? les islamistes ne disent pas non. Bien avant et en visite à Oran, le ministre a été encore plus clair: «Le courant républicain, patriote (au lieu de nationaliste) et moderniste est majoritaire et les participants doivent faire preuve d'esprit civique pour faire apparaître cette tendance à l'issue de ces élections.» Ces déclarations ont été ressenties par les islamistes (le MRN de Djaballah, Ennahda de Adami et le MSP de Nahnah) comme une faille prévisible dans la neutralité promise par le gouvernement et une exclusion qui ne dit pas son nom. De leur côté, les ârchs reprochent à Zerhouni ses derniers propos. Le porte-parole des dialoguistes a fait remarquer à ce sujet que «le ministre de l'Intérieur n'a pas le droit de se prononcer à la place du Président de la République... il est allé au-delà de ses prérogatives quand il a déclaré que les gendarmes ne quitteront pas le Kabylie». Allilouche a affirmé que «les gendarmes, auteurs d'assassinats, doivent être sanctionnés et leurs collègues, qui ne sont pas impliqués, doivent être mutés... C'est le sentiment même de la population». Plus offensif, il dira que «tout le monde sait que Zerhouni est quelque part responsable de ce qui s'est passé en Kabylie...donc avant de défendre les gendarmes, il doit d'abord défendre son cas». En effet, MYazid Zerhouni, avait affirmé qu'«il n'est pas question de remplacer la gendarmerie. Des gendarmes ont été remplacés et des mesures disciplinaires ont été prises à l'encontre de ceux qui ont commis des dépassements». Le ministre de l'Intérieur a encore précisé, en réponse à une question inhérente aux élections législatives fixées au 30 mai prochain, que «toute situation qui pose problème à l'ordre public doit être évitée».