M.Beisset, dans cet entretien, revient sur les dernières évolutions du dossier du Sahara occidental et l'adoption de la résolution 1754. L'Expression: Quelle lecture faites-vous de la dernière résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental? Mohamed Yeslem Beisset: Cette résolution s'inscrit sur quatre axes principaux. Elle confirme, premièrement, toutes les précédentes résolutions du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental; consacre, deuxièmement, et encore une fois, le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Cette même résolution appelle aussi, chose qui est tout de même importante, les deux parties en conflit à l'ouverture d'un dialogue, dont l'objectif exclusif est celui d'arriver à un règlement définitif sur la base du principe d'autodétermination. Cette résolution a donc, chargé le secrétaire général des Nations unies à organiser des négociations directes qui ne sont, faut-il le dire, point basées sur les propositions faites par le Maroc. Ce n'est nullement aussi un dialogue vide, plutôt des négociations sous l'égide des Nations unies et dont la seule finalité est d'arriver à une solution qui permettra au peuple sahraoui de choisir son destin. Ce n'est pas, en un mot, une résolution qui tire sa référence d'une quelconque proposition marocaine. Le Maroc et ses alliés ont fait une autre lecture. quel est votre commentaire? Je crois que la résolution du Conseil de sécurité est publique et ne souffre d'aucune ambiguïté. Tout le monde a le texte intégral de cette résolution, mais chacun a fait sa propre lecture. C'est une bonne chose si cette même résolution fait l'éloge des efforts marocains, mais ce qui est important et primordial, ce sont les recommandations issues de cette résolution, notamment celle liée à l'ouverture d'un dialogue entre les deux parties en conflit. Le Maroc n'a cessé, pendant plus d'une année, de faire toute une campagne pour son projet dit d'autonomie pour le Sahara. Il a fait croire au monde que le Conseil de sécurité va adopter son mensonge. Et voilà que le Conseil de sécurité met un point final aux manoeuvres marocaines. En félicitant le Maroc pour ses efforts, le Conseil de sécurité a voulu, comme lorsqu'on s'adresse à un élève, dire qu'il a fait des progrès, mais peut mieux faire dans les prochains mois. Il faut justement que le Maroc fasse des efforts pour se conformer à la légalité internationale. Cependant, le Maroc a fait beaucoup d'efforts aussi dans la répression du peuple sahraoui dans les territoires occupés, dans le pillage des richesses sahraouies et a tenté, ainsi, de faire échouer la légalité internationale. Nous verrons bien la future prestation marocaine. Qu'on le veuille ou non, ni les Etats-Unis, ni la France, encore moins l'Espagne ne peuvent éviter au Maroc le passage par le canal de l'autodétermination. Le Maroc doit laisser le peuple sahraoui s'autodéterminer. C'est l'unique voie et solution permises. Le Maroc est-il concrètement prêt à ouvrir un dialogue avec le Front Polisario? Eu égard à la lecture faite par le Maroc à cette dernière résolution, nous avons beaucoup de doutes quant à la volonté marocaine d'aller vers les négociations. En cas d'un autre échec, plutôt d'un retour au statu quo, la responsabilité incombe à ceux qui ont félicité le Maroc pour des efforts inexistants. Le secrétaire général des Nations unies doit, néanmoins, prendre des contacts avec les deux parties en conflit pour organiser des négociations directes et sans préalable, telles que stipulées par la résolution du Conseil de sécurité. Peut-être les prochains mois marqueront l'étape des négociations directes, mais cela devra se faire sur la base du principe d'autodétermination et doit axer sur les modalités de sa mise en oeuvre. Cela dépend aussi et bien évidemment de la volonté du Maroc d'aller vers une consultation populaire sur le principe d'autodétermination. Nous n'avons aucune autre solution à proposer au peuple que l'expression référendaire. Et c'est dans ce sens que va cette dernière résolution du Conseil de sécurité. C'est notre lecture et c'est l'unique lecture que l'on peut faire de cette résolution. Le Front Polisario a appelé à élargir les prérogatives de la Minurso. Or, la dernière résolution a ignoré carrément le volet humanitaire et celui des droits de l'homme. qu'en pensez-vous? Le Maroc doit tirer les leçons de toutes les précédentes questions du même genre, à l'instar de la question indonésienne. Des responsables et généraux indonésiens ont été traînés devant des tribunaux internationaux pour violation et atteinte aux droits de l'homme. J'espère que le Maroc, qui s'accroche aux USA et à la France, deux pays en divorce flagrant avec les valeurs des droits de l'homme, ne veut pas en arriver là. Si la conjoncture actuelle a fait que les USA et la France soient aux côtés du Maroc, cette même conjoncture n'est nullement éternelle. Viendront certainement d'autres conjonctures au profit du peuple sahraoui. Un dernier mot. Je crois, personnellement que la dernière résolution est très équilibrée et constitue un grand succès pour le peuple sahraoui. La partie marocaine ne doit pas perdre le train de la paix. Nous souhaitons que le Maroc prenne, cette fois-ci, au sérieux la résolution du Conseil de sécurité et aller vers des négociations sérieuses et crédibles pour l'organisation d'un référendum d'autodétermination.