Une immense émotion a couvert d'un lourd silence hier la cérémonie de recueillement et de commémoration du triste attentat meurtrier à la voiture piégée, perpétré par la sanguinaire Organisation de l'armée secrète (OAS) 2 mai 1962, au port d'Alger. Les ministres du Travail et des Transports, Tayeb Louh et Mohamed Maghlaoui, ont tenu à assister à cette 45e commémoration de ce douloureux événement, aux côtés du secrétaire général de l'Ugta, Abdelmadjid Sidi-Saïd. Ce lâche attentat, commis devant le centre d'embauche des dockers, est survenu bien après le cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962 à Evian. Ce sanglant attentat à la voiture piégée n'est pas le premier que commettait l'OAS dans sa politique de la terre brûlée. En effet, à la fin du mois d'avril 1962, une voiture piégée explose en plein Ramadhan, dans un marché très fréquenté de la capitale, en ce moment de l'année, par les Algérois. C'est une première du genre. Le 2 mai 62, le même procédé de tuerie collective est utilisé. C'est le carnage au port d'Alger où une voiture piégée explose à 6 heures du matin, moment d'embauche et de retrait du précieux jeton de travail. L'attentat a fait 62 morts et 110 blessés, tous musulmans parmi les candidats au jeton du «shift et double shift» (simple ou double vacation de travail) pour être «autorisé à gagner son pain» en déchargeant sur son dos les cargaisons d'un cargo dans des conditions plus que difficiles. La magnifique stèle commémorative, érigée sur les lieux même de l'attentat, montre si bien les traits tirés par l'effort d'un docker accablé par le poids d'une lourde charge. C'est dire combien l'atmosphère était lourde hier, parmi les témoins oculaires et ceux qui ont entendu la formidable explosion comme Si Mustapha F. qui habitait alors la Casbah et qui raconte comment la sourde explosion l'a «fait sursauter de la natte sur laquelle il dormait pour grimper immédiatement sur la terrasse et constater une épaisse fumée noirâtre qui montait du côté du port...»