Les deux capitales estiment que ces bases militaires «ne seront bénéfiques ni pour l'Afrique, ni pour Washington, ni encore moins pour la lutte contre le terrorisme». Des pays africains, dont l'Algérie et la Libye, mènent d'âpres négociations avec les Etats-Unis afin d'empêcher que ceux-ci n'établissent des bases militaires en plein coeur du continent africain. Le journal émirati qui fait état de ces pourparlers, et qui est généralement bien informé concernant les affaires diplomatiques «de sous-sol», cite des sources diplomatiques et précise que c'est bien Alger et Tripoli qui mènent les conciliabules, arguant aux Américains que ces bases militaires plantées dans le coeur du continent «ne seront bénéfiques ni pour l'Afrique, ni pour Washington, ni encore moins pour la lutte contre le terrorisme». Le journal émirati cite, aussi, l'allocution faite par le secrétaire du Comité populaire libyen, Abdessalam Triki, lundi dernier, que «Tripoli et Alger sont d'accord pour opposer un refus total à Washington d'établir un commandement militaire pour l'Afrique». Après la polémique générée par l'établissement d'une base militaire américaine en Algérie dans le but de contrecarrer l'activité des groupes affiliés à Al Qaîda, le Pentagone a entrepris de négocier avec plusieurs pays africains en vue de déplacer le commandement militaire qui se trouve en Allemagne vers un pays africain. C'est le gros souci américain du moment. L'ambassadeur des Etats-Unis en Algérie, Robert Ford, avait expliqué, récemment, la situation de la sorte: «Il existe un commandement militaire américain pour l'Afrique. Le grand commandement se trouve à Bruxelles, et il y a une filiale qui s'occupe de la région du Maghreb et de tout le continent africain, et qui se trouve à Stuttgart, en Allemagne. Ce commandement est dirigé par le général Ward. La question qui se pose est la suivante: va-t-on rester en Allemagne? Va-t-on déplacer le siège? C'est possible...Le Congrès n'a pas encore donné le financement nécessaire pour l'opération. Les Etats-Unis ont des intérêts stratégiques dans le Maghreb, le Sahel et l'Afrique de l'Est. Nous sommes souvent présents pour donner un coup de main aux soldats africains, comme nous le faisons actuellement avec la fourniture du transport aérien pour Mogadiscio, chose que nous faisons d'ailleurs conjointement avec Alger, ou pour une aide humanitaire, comme nous l'avons fait au Libéria et en Côte d'Ivoire. Par conséquent, nous avons beaucoup de travail dans la région, ce qui nous pousse à vouloir canaliser nos ressources, et donc à réfléchir sur la question de séparer les commandements...» Mais il était déjà entendu que le commandement militaire pour la zone Afrique devait prendre forme dans les zones mêmes à risque, ou à proximité, c'est-à-dire dans le continent africain et pas ailleurs. Le sous-secrétaire adjoint du Pentagone aux Affaires politiques, Ryan Henry, était en visite dans plusieurs pays africains intéressés par la «demande» américaine.Il a rencontré des dirigeants sud-africains pour discuter d'un plan américain visant à créer un nouveau commandement régional de l'armée américaine pour l'Afrique (Africom). La visite de Henry était inscrite dans la tournée d'une délégation américaine dans six pays (Afrique du Sud, Ethiopie, Ghana, Kenya, Nigeria, Sénégal) pour faire du lobbying auprès des pays africains à propos de la création de l'Africom, un sujet qui agite le Pentagone au plus haut degré. Les Etats-Unis devront envoyer de nouvelles délégations, au plus tard, cette année, pour poursuivre les consultations à ce sujet. Le président George W.Bush a entériné, en février dernier, un plan du Pentagone sur la création de l'Africom chargé de coordonner et surveiller les opérations militaires des Etats-Unis en Afrique. Selon Henry, l'Africom sera opérationnel à la fin de 2008, et un «général à quatre étoiles» devrait être nommé avant septembre pour diriger ce nouveau commandement, dont le siège n'a pas encore été déterminé. En mars, l'Algérie a déjà refusé d'abriter le siège du nouveau commandement des Etats-Unis, alors que les Etats-Unis avaient dit n'avoir jamais formulé pareille demande. Mohamed Bedjaoui, ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, qui a effectué, récemment, à Washington, une visite de travail et de contacts politiques et diplomatiques, a pu lisser les aspérités générées par le malentendu. Cependant, il semble que des «zones d'agitation» persistent... En fait, les Etats-Unis font face à un souci de taille, et qui est le commandement militaire américain pour l'Afrique, lequel se trouve loin du Sahel, en zone-grise, qui alimente les tensions chez les responsables de la Maison-Blanche. Washington voudrait bien que ce commandement soit déplacé vers l'Afrique. Le Sahara algérien semble avoir été une option, mais les Etats-Unis savent à quoi s'en tenir aujourd'hui. Djibouti qui s'est proposé pour ce genre de rôle, ne présente que peu d'atouts, et aujourd'hui, tout porte à croire que le Sénégal ou l'Afrique du Sud sont en pôle position pour jouer ce genre de rôle...