En se montrant plus souple sur le plateau, le candidat de l'UMP savait bien que cette qualité devrait lui rapporter beaucoup de l'autre côté de l'écran. Le grand débat de mercredi soir va-t-il inverser la balance? Il ne va certainement pas bouleverser les intentions des électeurs. Néanmoins, il a confirmé le léger avantage que les sondages prêtent à Nicolas Sarkozy. À une journée du second tour, plus de 20 millions de téléspectateurs ont suivi cette confrontation qui se jouait, en même temps, que la demi-finale de la Ligue des champions. Les Français se sont décidément réconciliés avec la politique. Même si leur discours était connu, le duel a mis à l'épreuve les candidats en prenant pour témoins les Français. Après 14 ans d'abstinence, ils ont rejoué le traditionnel match gauche-droite, dans une mise en scène modernisée, opposant, pour la première fois, une femme à un homme. Pendant plus de deux heures, le candidat de l'UMP, Nicolas Sarkozy, et sa rivale du PS, Ségolène Royal, se sont livrés bataille. Dès les premières minutes, la stratégie suivie par les deux finalistes était claire. «Bécassine» Ségolène s'est transformée en tigresse royale, et «le roquet» Sarkozy en gentlemen accompli. En effet, nul ne s'attendait à une telle inversion des rôles. On reprochait à l'un, son impulsivité et à l'autre, sa sensibilité: les deux ont réussi à corriger leur image de marque sur le plateau. Depuis le premier débat du genre (Mitterrand - Giscard en 1974) jusqu'au dernier (Lionel Jospin-Chirac en 1995), les duels, selon les politologues, n'ont jamais entraîné la décision. Cette fois, l'enjeu n'en paraissait pas moins déterminant aux yeux des deux adversaires. Avec une bonne partie d'indécis, la liberté de vote laissée par François Bayrou à ses propres électeurs et la consigne d'abstention de Jean-Marie le Pen, la pêche aux voix se poursuit jusqu'à la dernière minute. Sept grands thèmes ont été abordés: la France, les institutions économiques et sociales, le triptyque éducation -recherche- environnement, la famille, l'écologie, l'Europe et les questions internationales. Cependant, certaines questions ont, tout particulièrement marqué la confrontation: les 35 heures, le nucléaire, la scolarisation des enfants handicapés et l'immigration. Les deux candidats ont musclé leur propos en exposant chacun sa vision de la France de demain. Plus offensive et pugnace, la candidate socialiste ne s'est pas laissée faire et a conservé la maîtrise de ses propos. Evoquant le bilan de Sarkozy en matière de sécurité, Mme Royal a cherché, d'entrée de jeu, à déstabiliser son rival sur son propre terrain. Elle est allée même jusqu'à accuser son concurrent: «On vient d'atteindre l'immoralité politique», lance-t-elle quand M.Sarkozy évoque la scolarisation des enfants handicapés. Sachant qu'un président de la République n'a pas droit à l'erreur, l'ex-ministre de l'Intérieur a fait preuve de sang- froid et de respect. En dépit des provocations de sa rivale, il est resté sur ses gardes. Conscient de la réputation d'agité autoritaire que lui ont forgée les socialistes, il s'est montré plus serein et plus calme qu'elle. Adoptant la précision comme méthode, Sarkozy a su bien structurer son discours et argumenter ses propos. Ce soir-là, il a préféré se mettre en position de l'enfant modeste plutôt que d'entrer dans le jeu des tirs croisés. En se montrant plus souple sur le plateau, le candidat de l'UMP savait bien que cette qualité devrait lui rapporter beaucoup de l'autre côté de l'écran, celui du public. Selon un sondage Opinionway réalisé pour le Figaro et LCI, rendu public jeudi, Nicolas Sarkozy a été jugé plus convaincant que Ségolène Royal. 53% des personnes interrogées ont jugé le candidat UMP «plus convaincant», contre 31% pour la candidate PS. Tandis que 16% ont répondu ni l'un ni l'autre, ou ne se sont même pas prononcés. Hier encore, un autre sondage TNS-Sofres indique que le candidat de l'UMP, Nicolas Sarkozy recueillerait 54,5% (+2,5) des voix au second tour dimanche, contre 45,5% (-2,5) à la candidate socialiste Ségolène Royal. Réalisée au lendemain du grand débat télévisé, cette enquête est un autre élément de taille qui confirme l'hypothèse Sarkozy. En tout cas, le grand moment est venu pour connaître définitivement qui sera le futur locataire de l'Elysée.