L'inflation des instructions de l'Intérieur n'atténue en rien les inquiétudes des candidats en lice. Une autre instruction du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales a été envoyée aux walis. Le rythme inflationniste des instructions rend inopérant la formule de contrôle des élections législatives. Sur le terrain, loin des centres de décision, les jeux semblent être faits et les quotas auraient été distribués, si on se fie aux rumeurs contrôlées émanant d'un certain nombre de partis et indépendants en compétition. Pourtant, lorsqu'on regarde de plus près, on ne sait quel logiciel, aussi sophistiqué soit-il, serait en mesure de permettre le truquage des élections. «Tout va se jouer dans les procès-verbaux», vous répondront les plus sceptiques. Comment? Explication. Selon les thèses des candidats qui seraient défavorisés par une éventuelle fraude, l'énigme se situe dans le passage du premier au second puis au troisième palier, c'est-à-dire entre les bureaux de vote, les centres de vote et les commissions de wilaya. Les PV de dépouillement seront remis aux représentants des candidats dans les bureaux de vote. C'est admis. L'instruction du 8 avril fait état de «déplacement du président du bureau de vote au centre de vote, porteur de l'original du PV de dépouillement, accompagné des représentants des candidats». Elle reste silencieuse sur la remise des PV à ce niveau. Puis la commission de wilaya est «chargée de centraliser les résultats du scrutin de l'ensemble de la circonscription électorale. Ses travaux, consignés dans un PV, doivent être achevés, au plus tard le lendemain du scrutin et immédiatement transmis au Conseil constitutionnel». Cependant, «un exemplaire conforme à l'original du PV de recensement des résultats est remis par le président de la commission électorale au représentant dûment mandaté de tout candidat ou liste de candidats contre accusé de réception». Le maillon manquant se situe donc dans l'acheminement des résultats de dépouillement entre les bureaux et les centres de vote, puis entre les centres et les commissions de wilaya. Cette étape n'est, d'aucune manière, notifiée aux candidats. Pour un parti donné qui a les capacités de surveillance de tous les bureaux de vote, il y a, en effet, possibilité de décompte en rassemblant tous les PV des bureaux de vote. Mais quels sont les partis qui seraient en mesure de le faire? Le RND et -à un moindre degré- le FLN, peuvent réunir tous les PV et faire leur estimatif. Hormis ces deux partis, les autres, tous les autres n'ont aucune possibilité de contrôle. Bouchaïr leur demande de s'entraider pour assurer le contrôle de l'opération de dépouillement. Selon l'instruction de Zerhouni, du 8 avril, «s'agissant des bureaux de vote itinérants, il convient de rappeler que la remise de la copie conforme à l'original du PV de dépouillement s'effectuera au niveau du même centre de rattachement où s'est fait le dépouillement». Là, la formule diffère, le dépouillement se fait au niveau des centres de «rattachement» et non pas aux bureaux de vote itinérants. Cela constitue une autre source d'inquiétude. Un autre indice d'inquiétude des partis, auxquels on a posé la question, se situe dans le taux de participation. «Si la participation des électeurs est réduite, on va gonfler les chiffres et personne ne sera en mesure de les contredire», explique-t-on, «parce que les partis capables d'assurer, de bout en bout, l'opération de contrôle seraient les premiers bénéficiaires de la fraude», suppose-t-on. Il s'agit d'appréhensions partisanes qui soulèvent des inquiétudes. Les échos dont on dispose font état de quotas déjà arrêtés qui donnent un avant-goût de la composante de l'APN de 2007. Mais il faut admettre que certains partis vont vite en besogne, en pointant du doigt d'autres partis. Il faudra attendre les résultats du scrutin avant de se prononcer sur les intentions de chacun, même si certains administrateurs ont pris le pli. Ils ne peuvent sévir qu'en confisquant les voix des électeurs.