Le taux de participation de l'électorat évalué à 35,51% est un cinglant désaveu par les Algériens d'une classe politique sans envergure et sans principes. Les élections législatives du 17 mai 2007 ont donc rendu un verdict sans appel quant au rejet clair et net par les Algériens de la classe politique nationale. La majorité d'entre eux, les 2/3 de l'électorat en fait, n'a pas jugé politique de faire ce geste combien «citoyen» du dépôt d'un bulletin de vote dans l'urne. Quelles que soient les analyses faites, il restera que cette abstention massive constitue un sévère rappel à l'ordre et ne peut être occultée ni par les partis politiques ni par le pouvoir politique et doit, nécessairement, être replacée dans le contexte politique national marqué par un profond malaise social qui a laminé le pays. Des législatives de 1977 dont le taux de participation a été de 54% à celui de jeudi pointé à 35,51% en passant par le scrutin de 2002 qui comptabilisait 48%, il a été ainsi enregistré en dix ans une régulière régression du taux de participation qui perd 18 points entre 1997 et 2007. Une telle régression participative du corps électoral ne peut trouver son explication que dans le ras-le-bol des Algériens, outrés par la conduite des affaires du pays par une classe politique (députés et gouvernants) qui a plongé de larges catégories de la population dans l'impasse, alors que la paupérisation de l'Algérie est en hausse constante. Cette abstention, inégalée jusqu'ici, induit ainsi la défiance grandissante des Algériens envers une classe politique incapable d'apporter les réponses appropriées aux problèmes dans lesquels se débat le pays, comme de trouver des solutions à la mal-vie qui est celle d'une grande partie de la société algérienne appauvrie et sans réelle perspective d'avenir. Or, la «classe politique» nationale, qui n'a de politique que le nom, s'est illustrée ces dernières années par une absence totale de vision politique, par une méconnaissance récurrente des pulsions qui travaillaient en profondeur la société, de même qu'elle a ignoré ostensiblement les problèmes auxquels étaient confrontées les populations, connotés par les cycles d'émeutes à répétition qui ont marqué wilayas, communes et daïras ces dernières années. Les Algériens n'ont pas trouvé auprès des députés - censés représenter le peuple auprès de l'Exécutif et du pouvoir politique - l'écoute à laquelle ils estiment avoir droit. En fait, il y avait césure entre le peuple et le député qui, de plus en plus, ne représentait que lui-même ou, à défaut, servait à justifier l'existence d'une chambre basse dont d'aucuns ne s'expliquent pas l'intérêt de son maintien. D'autant plus que l'APN est devenue budgétivore ces dernières années, revenant à des sommes colossales au Trésor. Ce sont pourtant ces députés qui s'étaient octroyés, il y a quelques années, des rémunérations inconcevables - qui ont suscité scandale et tollé parmi la population - qui ont eu le cran de s'opposer à la proposition du gouvernement de relever le Snmg à 10.000 dinars, au prétexte que le budget de l'Etat ne pouvait supporter une telle augmentation. Dès lors, pourquoi voter, vous dira le commun des Algériens, quand l'obsession des «représentants» du peuple est ailleurs loin des préoccupations qui sont celles des citoyens. On n'a pas souvenance en effet, que les députés se soient inquiétés de l'enlisement de la crise en Kabylie; qu'ils aient interpellé le gouvernement sur le malaise social -marqué par les émeutes répétitives- alors que le chômage s'amplifie d'une année à l'autre jusqu'à toucher plus de 30% de la population active; qu'ils se soient émus du surplace effectué par les réformes économiques qui remettent à une date ultérieure le développement social du pays; que les députés, grassement payés par l'Etat, aient été perturbés par la récurrence de problèmes et obstacles auxquels sont quotidiennement confrontés les Algériens ou qu'ils se soient alarmés du fait que des millions d'Algériens vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, au moment où les finances de l'Etat n'ont jamais été aussi à l'aise. Dès lors, il n'est pas étonnant que les Algériens aient nettement rejeté une classe politique sur laquelle ils ne pouvaient compter alors que les problèmes du pays sont pendants depuis de nombreuses années. Aussi, avec 35,51% de suffrages exprimés, le scrutin du 17 mai induit la plus faible participation jamais enregistrée depuis l'indépendance du pays (toutes élections confondues). Cet échec est avant tout celui des partis politiques d'une part, du gouvernement ensuite, lequel va se retrouver, par ailleurs, face à une Assemblée nationale très mal élue et, en fait, peu représentative de l'électorat national avec ses diverses sensibilités politiques. Mais, paradoxalement, on note d'autre part l'entrée, pour la première fois depuis l'événement du multipartisme, d'un nombre conséquent de partis dans l'hémicycle de Zirout Youcef. Cet apport est cependant sans signification politique et est marqué d'une part, par une abstention record, d'autre part, par des dépassements et fraudes dénoncés fermement par Saïd Bouchaïr, président du centre national de contrôle des élections (Cnpsel), lequel en a fait état dans une lettre au président de la République. La faible participation ajoutée aux fraudes, signalées dans de nombreuses wilayas, discréditent un peu plus le scrutin législatif et disent l'urgence d'un changement salvateur en Algérie.