A la surprise générale, Saïd Bouchaïr déclare que les cas de fraude signalés avec toute la gravité voulue ne sont finalement que «de simples cas isolés». Le point le plus important ayant marqué le scrutin de jeudi dernier n'est autre que cette sortie inattendue de la Commission nationale politique de surveillance des législatives (Cnpsel). Il était un peu plus de 16h quand le coordinateur de cette instance a jeté un véritable pavé dans la mare. Saïd Bouchaïr venait, à ce moment précis, de saisir le président de la République, par le biais d'une lettre portant sa griffe. Dans ce document, il informe le chef de l'Etat au sujet de plusieurs cas de fraude constatés au cours du déroulement du scrutin dans beaucoup de régions du pays. Bouchaïr sollicite également le président «d'intervenir pour mettre fin aux abus graves qui accompagnent le processus électoral et qui ont dépassé les limites des cas isolés» écrit-il dans sa missive. Le document a provoqué un véritable séisme politique. L'information a vite fait le tour d'Alger. Tous les observateurs se posaient la même question: allonsnous vers l'annulation pure et simple des résultats issus de ce scrutin? En effet, et en termes de dépassements relevés, la Cnpsel a notifié noir sur blanc le refus des agents de certains bureaux de vote, notamment à Rouiba (est d'Alger) d'ouvrir les urnes pour s'assurer qu'elles sont vides avant le début du scrutin. «Certaines de ces urnes étaient remplies d'enveloppes au profit de candidats du Front de libération nationale (FLN)», précise-t-elle. La même commission a relevé, par ailleurs, l'absence dans certains bureaux de vote de listes de candidats de partis en lice comme le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) à Blida (sud d'Alger) et le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamique) à Saïda (sud-ouest). La Cnpsel dénonce aussi la poursuite par le FLN de sa campagne électorale le jour du scrutin, notamment à Aïn Témouchent (ouest). Elle signale, également, que des urnes des bureaux itinérants des nomades, dans la région d'El Oued (sud-est) ont été confisquées et cachées par des électeurs qui voulaient protester contre le déroulement du scrutin. Trop d'irrégularités que, si elles s'avéraient, le Conseil constitutionnel qui tranchera, lundi prochain, sur le scrutin législatif, n'hésitera pas à invalider les résultats de ce scrutin. Tout comme le Conseil constitutionnel pourrait bel et bien «fermer l'oeil» sur tous ces dépassements, surtout que le président de la Cnpsel s'est vite rétracté, pour ne pas dire qu'il s'est complètement démarqué du contenu de la lettre qu'il a lui-même signée! En effet, aux environs de 20h de la journée de jeudi dernier, Saïd Bouchaïr a animé un point de presse dans lequel il a pris de court tout ceux parmi les représentants des médias qui lui ont prêté oreille. A la surprise générale, Saïd Bouchaïr déclare sèchement que les cas de fraude, signalés quelques heures plus tôt avec toute la gravité voulue ne sont finalement que «de simples cas isolés et n'auront aucune incidence sur les résultats du scrutin». Ces mêmes cas sont «presque insignifiants», voulait-il ajouter. Les hommes de la presse sont restés pantois devant un tel revirement de situation. De ce changement de discours entretenu par M.Bouchaïr, il en ressort deux hypothèse: soit le président de la Cnpsel a été mis devant la fait accompli au moment où il a paraphé la lettre adressée au président Bouteflika, autrement dit poussé au pied du mur par les représentants des partis politiques siégeant au sein de la commission qu'il préside. Ou alors, le président de cette commission a été «sommé» d'en haut de revoir son langage à tenir au sujet de élections et des conditions du déroulement du scrutin législatif. En tout de état de cause, l'Histoire retiendra que le président de la Cnpsel, M.Saïd Bouchaïr, aura vraiment marqué à sa manière ces troisièmes élections législatives organisées dans une Algérie indépendante.