55 morts et de nombreux blessés parmi les islamistes de Fatah al-Islam et les soldats libanais alors que les civils paient un lourd tribut. En bombardant hier le camp de réfugiés palestiniens de Nahr Al-Bared, l'armée libanaise a donné aux affrontements commencés dimanche, les dimensions d'une véritable guerre. Les combats qui opposent, depuis dimanche, le groupuscule extrémiste palestinien du Fatah al-Islam aux soldats libanais et l'explosion de dimanche soir à Beyrouth - qualifiée hier de «terroriste» par les services de sécurité - font peser plus que jamais sur le Liban le spectre de la guerre civile. Le bilan provisoire des affrontements de dimanche était établi à 55 morts, parmi lesquels on comptabilisait plus de 30 militaires libanais, et plus de 110 blessés. Parmi les victimes, il a été également relevé de nombreux civils palestiniens et libanais. Il s'agit des plus graves combats, en termes de bilan, depuis la guerre civile qui avait ensanglanté le Liban entre 1975 et 1990. En réalité, le nombre de victimes pourrait être encore plus élevé dans la mesure où il était toujours impossible, hier, de pénétrer à l'intérieur du camp de Nahr Al-Bared pour avoir une idée des dégâts (humains notamment) qui s'y sont produits. Selon le Dr Youssef Al-Assaâd, directeur du Croissant-Rouge palestinien (CRP): «Il y a des civils tués et de nombreux blessés, dont deux dans un état grave, dans les rues du camp de réfugiés palestiniens de Nahr Al-Bared. Nous tentons en vain de rentrer dans le camp depuis 07h00 (04h00 GMT) pour les évacuer», s'inquiétant du fait qu'«il n'y a plus ni eau ni électricité dans le camp», lequel abrite 22.000 réfugiés alors même que les combats se poursuivaient hier. Autour de Nahr Al-Bared, l'armée a repris, dans la nuit, les positions qu'elle avait perdues la veille à la lisière du camp, à la faveur d'attaques surprises des combattants islamistes, a annoncé l'armée dans un communiqué. Ce camp de réfugiés palestiniens, qui fait aujourd'hui l'actualité au Liban, est le bastion du Fatah al-Islam, un groupuscule islamiste réputé avoir des liens avec la nébuleuse terroriste Al Qaîda. De fait, les camps de réfugiés (au nombre de douze) qui renferment plus de 400.000 Palestiniens posent un problème sécuritaire de plus en plus ardu à Beyrouth dans la mesure où les services de sécurité ne pouvaient pas pénétrer dans ces camps en vertu d'un accord entre le Liban et les Palestiniens qui fait que ces camps (extraterritoriaux) échappent de facto au contrôle de l'autorité libanaise. Un problème qui vient en surcroît de la crise aiguë où est plongé le Liban depuis l'assassinat en février 2005, de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Pour le cas de Nahr Al-Bared, le représentant de l'OLP au Liban, Abbas Ziki, a indiqué hier que la centrale palestinienne était prête à aider l'armée libanaise à éradiquer le groupuscule Fatah al-Islam, retranché dans le camp sus-cité, à la condition que les civils soient épargnés. «Notre esprit est ouvert et nous avons une totale réceptivité aux demandes de l'Etat (libanais). Nous souhaitons coopérer pour en finir avec le phénomène du Fatah al-Islam, à condition que les civils innocents ne payent pas un lourd tribut», a déclaré M.Ziki à la presse, à l'issue d'un entretien avec le Premier ministre, Fouad Siniora, à Beyrouth. M Ziki a cependant estimé que l'élimination du Fatah al-Islam «est d'abord une affaire libanaise», réaffirmant, toutefois, que ce groupe composé de combattants libanais, palestiniens et arabes, «est un phénomène étranger à la réalité palestinienne». Outre la situation grave qui prévaut au nord du Liban où se poursuivaient hier des combats acharnés, l'explosion qui a fait dimanche soir un mort (une vieille femme de 63 ans) et dix blessés mettent en danger la stabilité du pays du Cèdre marqué, par ailleurs, par une crise politique qui perdure depuis plus de deux ans, induisant un blocage dommageable aux institutions du Liban. Selon la police de Beyrouth, l'explosion de dimanche soir, au quartier chrétien d'Achrafieh, est un «acte terroriste» dû à une bombe placée dans une voiture garée dans un parking. «Il s'agit d'un attentat terroriste qui vise à faire peur à la population et à déstabiliser la sécurité au Liban», a déclaré, sous le couvert de l'anonymat, un officier de police. «La charge explosive placée dans une voiture garée dans un parking jouxtant un centre commercial, pesait environ 40kg et a provoqué un cratère de 1,5 mètre de profondeur et 3 mètres de diamètre», a ajouté cet officier. A Beyrouth, commentateurs et observateurs se sont, de nouveau tournés vers Damas en pointant un doigt accusateur vers la Syrie. Mais ces événements -les affrontements de Nahr Al-Bared et l'explosion de Beyrouth- ne viennent-ils pas, paradoxalement, bien à propos au moment où l'impasse est totale quant à la crise politique qui secoue le pays du Cèdre, avec, en arrière-plan, les blocages qui empêchent la constitution d'un tribunal international (pour juger les assassins de Hariri) que le Premier ministre Fouad Siniora appelle de ses voeux et veut imposer à ses partenaires politiques libanais?