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«30 milliards ont été soustraits à la fraude»
LE SECRETAIRE PERMANENT DU CONSEIL NATIONAL DES ASSURANCES
Publié dans L'Expression le 22 - 05 - 2007

Des systèmes d'information à la rescousse pour assainir les pratiques d'assurance.
Le secrétaire permanent du Conseil national des assurances (CNA), M.Abdelmadjid Messaoudi, dévoile, dans cet entretien, différents projets relatifs aux systèmes d'information dans le secteur des assurances.
L'Expression: Après dix ans d'activité, quel est l'apport du Conseil national des assurances au secteur?
Abdelmadjid Messaoudi: Le Conseil est un organisme public assez original dans la mesure où il associe plusieurs fonctions à la fois. Il s'agit des fonctions de concertation, d'étude et de conseil. Il s'agit d'abord d'une assemblée qui réunit les trois catégories d'acteurs qui interviennent dans l'acte d'assurance, à savoir les professionnels de l'assurance, les assurés et les pouvoirs publics.
Cette assemblée qui se réunit, au moins une fois l'an, permet d'éclairer le ministre des Finances sur cette matière toute spécifique qu'est l'assurance. A ce titre, le CNA est l'espace de concertation institutionnel du secteur.
Cette assemblée dispose d'un secrétariat permanent qui a pour fonction de prendre en charge les tâches techniques courantes. En l'absence d'un centre d'étude, le secrétariat s'est transformé en une sorte de bureau d'études du secteur. Il s'est ainsi retrouvé en position de proposer des solutions visant à concilier les intérêts des 3 composantes.
Le secrétaire permanent qui n'est pas membre du CNA mais est à son service, est tenu d'observer une position neutre, à équidistance des intérêts des trois parties, ce qui est particulièrement adapté pour garantir l'objectivité de ses propositions.
Pour ce faire, le CNA, représenté par le secrétariat permanent, poursuit la concertation entre les divers corps de métier de l'assurance pour capitaliser l'expérience accumulée et l'utiliser dans l'intérêt général.
L'objectif final de l'institution est le développement de l'assurance dans le cadre de l'équilibre des intérêts entre les parties en présence. Cela n'est pas des moindres lorsque l'on connait l'importance que revêt l'assurance pour le développent économique et social du pays: préservation du patrimoine, financement de l'investissement, stabilité sociale, promotion de l'anticipation rationnelle vis-à-vis des risques, promotion du contrat de droit privé...
Quelle est la situation actuelle du secteur?
Les derniers chiffres datant du 31 décembre 2006 indiquent un chiffre d'affaires de 47,2 milliards de dinars. Ce sont des estimations fondées sur les données de la conjoncture. Les données officielles définitives, nous les aurons vers juin lorsque nous aurons les bilans de toutes les compagnies. Les statistiques montrent que le secteur des assurances croît régulièrement, d'année en année, de 10 à 20%. Cette année, c'est 12,8% de croissance par rapport à 2005. La demande d'assurance est bel et bien en augmentation.
Le secteur a aussi des limites et des insuffisances que les acteurs tentent depuis quelques années de dépasser. La première résume toute la problématique de la relation de la compagnie au marché.
Elle a trait à l'écoute client, c'est-à-dire aux dispositifs qui permettent à une compagnie de bien apprécier la demande potentielle d'assurance et de confectionner des offres adaptées, correspondant aux attentes. Cela suppose beaucoup de choses: des travaux d'étude au niveau des compagnies d'assurances, une innovation des produits et un ensemble de dispositions liées au marketing. Cela nécessite, également, une capacité à vendre et à convaincre, que les engagements pris soient assumés et que les délais d'indemnisation soient raccourcis. Aujourd'hui, nous sommes encore loin des normes.
Pourtant, la population semble avoir déjà bien assimilé l'assurance comme service utile. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que les automobilistes ont continué de s'assurer en garanties facultatives durant la période où les services de l'ordre étaient peu préoccupés de vérifier les attestations d'assurance. Ce constat est renforcé par l'ampleur des insatisfactions des clients qui continuent de souscrire à leurs assurances...
Aujourd'hui, il faut dire, la croissance du marché est liée à des facteurs externes au secteur: prescriptions des banquiers qui réclament diverses assurances de leurs clients bénéficiaires de crédit automobile; croissance des investissements et du patrimoine à couvrir en Iard...
En dehors de l'assurance automobile, les contrats d'assurance souscrits par le secteur privé, c'est-à-dire par les ménages et les PME, sont encore très faibles. L'argument de l'assurance obligatoire ne suffit pas car il y a autant d'obligations d'assurance RC par ailleurs...
Qu'apportera au secteur la nouvelle loi sur les assurances adoptée par l'APN, sachant que les responsables des compagnies s'impatientent quant à ses textes d'applications qui tardent à venir?
Tous les professionnels attendent ces textes. Nous partageons les mêmes préoccupations. Je vous invite à poser cette question aux institutions en charge de présenter les textes au gouvernement. Je peux, quant à moi, rappeler l'importance décisive de ces textes pour le développement de l'assurance en général et le développement de l'assurance de personnes, en particulier. Ils permettront de mettre en oeuvre un certain nombre de règles comme: la séparation entre assurance de personne et compagnie d'assurance dommage, la pratique de la bancassurance, la possibilité de créer les mutuelles d'assurance économique...A ce titre, il est attendu le statut type qui permettra aux corporations du métier réunissant 5000 personnes de créer leur mutuelle, à l'exemple de la corporation des artistes qui se plaint de ne pas avoir de statut. Je signale que le retard des textes d'application bloque l'activité de bancassurance.
Le CNA a organisé, récemment, une rencontre sur les technologies de l'information et de la communication (TIC). Que pourraient apporter ces dernières au secteur?
Je voudrais mettre l'accent sur le système d'information qui constitue la seconde grande insuffisance à dépasser. Les compagnies d'assurances sont organisées pour faire face à des engagements. Ces dernières sont prises sur la base de contrats souscrits quotidiennement par l'intermédiaire de leurs agences. Le système d'information permet à la compagnie de savoir, de façon précise, le niveau d'engagement qu'elle a pris et de le soupeser par rapport à ses capacités en particulier à son capital.
Aujourd'hui, les systèmes d'information des compagnies dépendent de la bonne volonté des agences censées transmettre régulièrement de l'information vers le centre. Dans ce dispositif, l'information qui remonte est non seulement incomplète mais aussi incohérente...
La solution est bel et bien dans la mise en place d'un système d'information centralisé qui permet au premier représentant de la compagnie d'assumer les responsabilités attachées à l'agrément qu'il a obtenu des pouvoirs publics et d'assumer effectivement les engagements pris en contrepartie du capital souscrit...Cette question qui a été traitée à maintes reprises dans les séminaires et rencontres du CNA, est au centre de la problématique de maîtrise des pratiques financières dans les agences. Elle se pose dans les mêmes termes que pour les banques. La question est vitale pour la surveillance de solvabilité des compagnies comme d'ailleurs des banques. Elle est aussi décisive dans la lutte contre la fraude quelle qu'en soit l'origine y compris d'assurés.
Cependant, malgré les séminaires que nous avons organisés, nous n'avons pas pu convaincre les grandes compagnies à mettre en place des systèmes d'information centralisés. Il semble qu'elles ont pris des engagements importants avec des fournisseurs sur des plates-formes différentes à orientation décentralisée.
Ces compagnies n'osent pas reculer. Les nouvelles compagnies se sont, par contre, orientées dès le départ, sur des systèmes centralisés qui contraignent à un enregistrement unique préalable au niveau central de tout engagement vis-à-vis de tiers...
Il existe un certain nombre de projets dans le domaine des TIC à l'exemple de celui du fichier central des conducteurs que gère l'UAR (l'Union des sociétés d'assurance et de réassurance), de la centrale des risques pilotée par la direction des assurances et qui vise à lutter contre la double assurance. Le premier projet connaît quelques difficultés d'avancement, le second est, par contre, à ses débuts. De notre côté, nous mettons l'accent sur la mise en oeuvre d'outils simples (messagerie commune, portail Internet...) permettant d'accompagner la mise à niveau des professionnels.
Nous avons appris, dernièrement, l'existence d'une société de lutte contre la fraude dans le secteur des assurances. Pouvez-vous nous en dire plus?
C'était d'abord un service de la SAA qui est devenue, depuis peu, une société par actions à laquelle les autres compagnies publiques sont actionnaires. Elle serait ouverte aussi aux autres compagnies. Elle a démarré ses activités en dépit de quelques difficultés rencontrées au plan institutionnel en matière de statut du personnel chargé des investigations qu'il importe de conforter dans un cadre lui permettant d'exercer normalement.
Les chiffres communiqués par la SAA sur les cas de fraude débusqués par son service lutte contre la fraude, révèlent l'ampleur du phénomène puisque quelque 300 millions de dinars auraient été économisés grâce à un certain nombre de missions menées depuis 2002.
La systématisation des actions de cette société renforcée par un système d'information centralisé permettra véritablement d'assainir les pratiques dans ce secteur.


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