Un consensus entre l'Algérie et la Russie sur une stratégie commune à adopter face à la dérégulation risque de compromettre sérieusement les politiques énergétiques des Européens. La dérégulation imposée par l'Europe aux pays producteurs de gaz sera à l'ordre du jour de la visite de Chakib Khelil, ministre de l'Energie en Russie. Le rapprochement en matière de politique énergétique entre les deux pays est perceptible notamment par la signature d'un protocole de coopération stratégique et la présence de plus en plus accrue de sociétés pétrolières russes en Algérie. Outre deux contrats dans le raffinage signés pour la première fois avec les Russes, il existe déjà d'importants investissements des compagnies russes en Algérie telles que de Stroy Transgaz et de Rosneft. Mais l'Algérie ne doit pas compter sans le fait que la Russie constitue aussi son féroce concurrent sur le marché gazier. Si la dérégulation les rapproche, les deux pays en contrepartie se disputent un marché jusque-là partagé de manière tacite. La Russie accapare l'Europe du nord et centrale, alors que l'Algérie alimente le sud du Vieux continent par ses gazoducs. Une configuration en équilibre très instable et où tous les arguments pouvant amener à avoir une part de marché en plus, sont à faire valoir. Ainsi la société russe Gasprom invoque la sécurité des réseaux d'approvisionnement. Par cet argument «sécuritaire», elle tente de séduire les pays de l'Europe du sud afin de réinvestir ce marché essentiellement alimenté par les gazoducs algériens. Face à cette conjoncture, l'Algérie a fait du concept de «mise en valeur» la base de sa stratégie énergétique. Cette vision à long terme a été d'ailleurs clairement mise en relief lors du Forum des pays exportateurs de gaz, qui s'est tenu à Alger au début du mois de février. Au fait, la politique énergétique de l'Algérie fonctionne sur ce concept depuis les années 70. Le projet «Valhyd» (valorisation des hydrocarbures) est venu dans les années 80 suite aux crises pétrolières successives depuis le choc de 1973. L'Algérie a ainsi construit le premier gazoduc (Transmed) pour alimenter l'Italie via la Tunisie et une partie de l'Europe de l'Ouest. Le Gazoduc Maghreb Europe (GME) a été livré en 1998. Un autre projet de transport de gaz algérien est sérieusement envisagé. Fin 2001 l'Algérie et le Nigeria ont signé un contrat pour le transport, par gazoduc, du gaz des champs nigérians vers l'Europe à travers l'Afrique. Ce sont les quelques éléments d'envergure qui confirment que le projet de valorisation est toujours d'actualité. En outre, le gaz qui devient une réelle alternative aux produits pétroliers polluants, augure d'une plus grande intervention de l'Algérie, par Sonatrach, dans l'approvisionnement du marché européen. A cela, il faut ajouter le coût relativement faible du transport vers les pays consommateurs, ce qui constitue une autre perspective potentiellement attractive pour le gaz algérien. Cela étant, aucun scénario de pénurie d'énergie fossile ne menace l'Europe à l'horizon 2010-2020. En revanche, l'hypothèse d'un consensus entre l'Algérie et la Russie sur une stratégie commune à adopter face à la dérégulation risque de compromettre les certitudes européennes.