Quoique symbolique, cette première entre les deux pays constitue un pas initial dans la bonne direction. Américains et Iraniens se sont, enfin, assis face à face à la même table pour discuter de la situation (dramatique) prévalant en Irak représentés par leurs ambassadeurs respectifs à Baghdad, Ryan Crocker et Hassan Kazemi. La réunion a eu lieu dans la résidence du Premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki, dans la Zone verte fortifiée de Baghdad. Un représentant de l'Irak, Mouaffak Al-Roubaï, assistait à la réunion. Peu avant son ouverture, le Premier ministre irakien a déclaré qu'il «espère que cette réunion sera le début d'un nouveau chapitre et un pas important pour la région» ajoutant: «J'espère qu'elle aura pour résultat une compréhension mutuelle et sera suivie d'autres réunions pour résoudre les problèmes actuels.» Certes, aucune percée spectaculaire n'était attendue de la rencontre d'hier mais, au-delà de l'Irak, cette entrevue a, néanmoins, brisé quelque part l'ignorance mutuelle entretenue entre les deux pays depuis près de trois décennies. Assurément, le thème de ces discussions, qui ont duré quatre heures selon l'ambassadeur américain, a été strictement circonscrit à l'Irak. Il n'en reste pas moins, cependant, que c'est toujours le premier pas qui compte pour deux pays qui s'ignoraient ostensiblement depuis l'avènement de la République islamique, en 1979, ponctué par la prise d'otages à l'ambassade américaine à Téhéran et la rupture des relations diplomatiques, en 1980. Tout cela a rompu les ponts entre deux pays qui ont, longtemps, marché la main dans la main à l'époque du Shah d'Iran, Mohamed Réza Pahlavi. En réalité, le contentieux entre Washington et Téhéran est très lourd et n'a cessé, depuis la Révolution islamique, de se compliquer avec en pole position l'affaire du nucléaire iranien, les Etats-Unis accusant l'Iran de vouloir, sous couvert de nucléaire civil, fabriquer une bombe atomique. Washington accuse également l'Iran de fournir des armements aux résistants irakiens et d'entraîner les phalanges chiites. Ce que Téhéran a toujours démenti, que ce soit le nucléaire ou l'Irak. Aussi, la rencontre d'hier -même si les intéressés l'ont minimisée- centrée uniquement sur l'Irak, constituait cependant une ouverture appréciable tant il est vrai que seules des rencontres directes entre adversaires peuvent cerner les points de friction et voir comment les résoudre de manière idoine. De fait, cela aurait été déraisonnable d'attendre du nouveau de cette rencontre, mais l'important restait que ces deux grands pays se rencontrent après s'être ignorés durant plus de 27 ans. Ce premier contact s'est déroulé dans de bonnes conditions selon l'ambassadeur américain, Ryan Crocker, qui a indiqué à la presse au sortir de la réunion: «Comme vous le savez, les délégations américaine et iranienne se sont rencontrées pour des discussions qui ont duré quatre heures au total. Je qualifierai l'atmosphère des discussions de professionnelle». «Les Iraniens et nous-mêmes avons énoncé les principes qui guident nos politiques respectives en Irak», a encore dit l'ambassadeur américain. Son homologue iranien, Hassan Kazemi, n'a fait pour sa part aucun commentaire en laissant, sans doute, la primeur aux dirigeants iraniens. M.Crocker a ajouté: «Il y a eu des vues conformes, notamment sur le soutien à un Irak démocratique, sûr, stable et fédéral, qui contrôle sa propre sécurité et en paix avec ses voisins.» L'ambassadeur américain a encore dit avoir fait part aux Iraniens du «scepticisme (américain) sur leur comportement en Irak, comme le soutien à des milices combattant les forces de sécurité américaines et irakiennes, le fait que les explosifs utilisés par ces groupes viennent d'Iran». M.Crocker a encore indiqué que les «Iraniens n'ont pas répondu directement à cela». Toutefois, la veille de la rencontre, le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, a de nouveau demandé aux Etats-Unis de changer de politique et d'accepter la «réalité du terrain», rapportait, hier, l'agence iranienne Irna. «Si l'autre partie (Etats-Unis) a une réelle volonté politique, accepte la réalité du terrain et révise ses politiques passées en Irak, ces discussions peuvent être couronnées de succès», a indiqué M.Mottaki. En fait, sans surprise, il n'y eu aucune avancée sur les points de litigieux entre Américains et Iraniens, mais le fait même que les Etats-Unis et l'Iran se soient directement rencontrés est en soi une bonne chose, mais, à l'évidence, beaucoup reste à faire pour transformer ce premier contact et lui donner des suites.