Les prochain jours s'annoncent importants, voire déterminants pour le débat ouvert aux Etats-Unis sur la nouvelle stratégie du président Bush pour l'Irak. Les positions semblent tranchées et rien ne les rapprocherait. Face à l'opposition qui grandit, le président Bush ne laisse planer aucun doute : « Je pense que dans cette situation, je peux ; et je peux comprendre que le Congrès essaye de m'en empêcher... Mais j'ai pris ma décision. Nous allons de l'avant. » La bataille au Congrès s'annonce rude.Ainsi, le sénateur républicain Gordon Smith s'est déclaré totalement opposé au plan de Bush. « Ce renforcement des effectifs arrive trop tard et est insuffisant, il perpétue le statu quo », a-t-il déclaré dimanche. Pour sa part, le sénateur Edward Kennedy a réitéré son soutien à un projet de loi pour bloquer l'envoi de davantage de troupes. Dans son allocution hebdomadaire radiodiffusée samedi dernier, le président américain avait mis en garde l'opposition démocrate contre toute tentative de couper des fonds pour la guerre en Irak, ajoutant que ceux qui s'opposent à son nouveau plan se doivent de mettre une autre proposition sur la table. Bénéficiant déjà de l'appui d'élus républicains et de l'opinion, l'opposition démocrate vient d'être confortée dans ses choix par le général George Casey, chef des forces américaines en Irak, qui affirme que le nouveau plan de sécurité de Baghdad, qui doit être mis en œuvre dans les prochains jours, ne présente pas « de garantie de succès ». « Il n'y a pas de garantie de succès, cela ne se fera pas en une nuit », a déclaré au cours d'une conférence de presse le général Casey. Il parle bien entendu du plan irakien pour Baghdad. « Mais avec des efforts soutenus, cela peut marcher », a-t-il ajouté. « Les premiers éléments sont déjà sur place », a-t-il précisé au sujet des 17 500 soldats américains supplémentaires promis par le président George W. Bush en renfort pour la capitale irakienne. « Tous les quartiers de Baghdad seront traités sur un pied d'égalité : nous viserons tous ceux qui violent la loi », a prévenu le général américain, en réponse à une question sur Sadr City, le bastion des milices chiites accusées de nombreuses exactions et qui est aujourd'hui une zone de non-droit pour les autorités irakiennes. « Le Premier ministre irakien a été très clair : les milices ne seront pas autorisées à former une alternative à l'Etat et à prendre en charge la sécurité », a affirmé le général Casey. L'ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalilzad, a souligné de son côté qu'« aucune interférence politique » ne serait tolérée lors de la mise en place du nouveau plan de sécurité. « Le plan comporte aussi des aspects politiques et économiques. Le gouvernement irakien va dépenser 10 milliards de dollars pour des projets de rétablissement des infrastructures et de reconstruction qui vont créer des emplois », a souligné M. Khalilzad. Le président Bush a annoncé mercredi le renfort de 21 500 militaires américains en Irak, dont 17 500 soldats à Baghdad, s'ajoutant aux 132 000 déjà présents dans le pays. Selon M. Bush, le gouvernement irakien (dominé par les chiites) s'est engagé, notamment dans le cadre de ce plan, à désarmer les milices armées chiites. Zalmay Khalilzad et le général George Casey doivent tous deux quitter l'Irak dans les prochaines semaines. M. Khalilzad, nommé par M. Bush comme ambassadeur à l'ONU, devrait être remplacé par Ryan Crocker, actuellement en poste au Pakistan. Quant au général Casey, il devrait être remplacé par le général David Petraeus, chargé jusqu'à présent du remaniement des forces de sécurité irakiennes. Par ailleurs, apprenait-on hier, le chef de la diplomatie saoudienne Saoud Al-Fayçal a apporté hier un soutien prudent à la nouvelle stratégie américaine en Irak, après des entretiens avec la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice favorable à une contribution arabe aux efforts de réconciliation en Irak. Mais il est resté prudent sur l'application du plan. Il a espéré que le plan contribuerait à « l'amendement de la Constitution irakienne pour assurer la participation de toutes les composantes du peuple irakien au processus politique ». Adoptée en octobre 2005, la Constitution a institué le fédéralisme, auquel sont hostiles les Arabes sunnites par crainte de se retrouver piégés dans un Etat au centre-ouest du pays, dépourvu de toutes ressources naturelles, tandis que chiites au sud et Kurdes au nord se partageraient les revenus du pétrole. La secrétaire d'Etat américaine s'est, pour sa part, dite favorable à ce que les pays arabes s'engagent davantage à unifier les Irakiens. « Si la Ligue arabe est prête à aller de l'avant dans la conférence de réconciliation, ce sera très utile pour les Irakiens », a dit Mme Rice, qui devait rencontrer plus tard dans la journée à Koweït certains de ses homologues arabes dans une tentative de les rallier à la nouvelle stratégie de M. Bush. Tout semble lié, sauf que le volet le plus important de ce débat se déroule aux Etats-Unis, et il oppose les Américains.