Les cellules les plus opérationnelles sont tombées les unes après les autres comme un château de sable depuis 2003, en France, en Espagne et dans les pays européens. Si l'on en croit un communiqué qui vient d'être diffusé récemment, Al Qaîda au Maghreb islamique vient de nommer un nouveau commandement pour l'Europe. Il s'agit de Abou Hafs Abdelouadoud, en sa qualité d'émir des «Kataêb al-Mouhadjiroun»(«les Compagnies des émigrés»). Le communiqué daté du 20 mai 2007 est invérifiable et non encore authentifié à ce jour. Il n'a été cité ni diffusé dans aucun des circuits et sites islamistes habituels, et les meilleurs spécialistes de la question sont restés perplexes devant un tel communiqué, dont la sémantique et la teneur sont pour le moins très étranges. Le communiqué, un vaste ensemble de sujets politiques, sécuritaires et critiques, semble être un fourre-tout à la Prévert. Tour à tour menaçant, conciliant et railleur, il énumère les griefs retenus contre l'Etat, ses hommes et ses institutions, brandit des menaces à l'endroit des diplomates étrangers, fait des révélations que ne donneraient pas les plus fins limiers de Scotland Yard et, en parfaite incarnation des sectes millénaristes, annonce les cataclysmes sécuritaires à grande échelle. Ce communiqué, qui n'a pas été trouvé sur les sites des circuits habituels, nous est, en fait, parvenu sous forme d'envoi sur le mail du journal, d'où les doutes qui l'alimentent et qui ont été renforcés par d'autres motifs. Aussi, pose-t-il des problèmes à longueur de lignes et intrigue plus qu'il n'alarme. La rhétorique qu'il affiche est une suite de menaces et de griefs qui n'a pas le cachet, ni la stylistique du groupe, et n'était l'exigence de l'information, il aurait mieux servi aux confettis. Si l'on se tient à la véracité du communiqué, en lui donnant le bénéfice du doute, on peut retenir le fait le plus intéressant, et qui est celui de la désignation d'un chef pour l'Europe. De plus, il ne s'agit pas d'une cellule opérationnelle, qui ferait déjà peur aux capitales occidentales, mais de compagnies entières mises à la disposition du Gspc-Aqmi. Ce qui est excessif et un tant soit peu outrancier, quand on sait que les cellules les plus opérationnelles sont tombées les unes après les autres comme un château de sable depuis 2003, en France, en Espagne et dans les pays européens. Evidemment, la propagande et la guerre des mots sont exemptées de dire la vérité, encore faut-il dans ce cas, connaître la base des envois et des communiqués à traiter. Quoi qu'il en soit, et à voir le peu de crédit que les services de renseignements européens ont accordé à ce communiqué, il y a à douter de l'importance de ce commandement européen pour Al Qaîda au Maghreb. Si on considère l'Espagne comme le «ventre mou» de l'Europe, on peut penser que le risque vient surtout de ce côté-là pour une incursion dans le reste de l'Europe, mais il est évident que les choses ne se posent pas avec cette facilité, et que les agents déjà sur place ont plus de chance d'être sous la loupe des services de renseignements que de passer inaperçus. Depuis la chute du «Londonistan» et le coup de pied dans la fourmilière opéré en Espagne et en France, le Gspc-AQMI ne dispose plus que de peu d'atouts dans l'Europe occidentale. Les cellules opérationnelles, dormantes et même sympathisantes, ont été complètement laminées par les rigoureuses lois antiterroristes et les coups de filet policiers opérés depuis l'après-11 septembre 2001, puis les attentats de Madrid et de Londres, rendant très difficile la survie même d'une ébauche de sympathie affichée pour Al Qaîda. L'exfiltration opérée par le commandement du Gspc avant de rallier Al Qaîda est aujourd'hui connue par tous les hauts responsables de la sécurité. Nous savons que l'appel du pied du Gspc à Al Qaîda date de plusieurs années déjà, et que des émissaires de Oussama Ben Laden et Aymane Al-Zawahiri ont, depuis au moins le début de l'année 2002, tenté de conclure un pacte stratégique, mais qui a été, à dessein, retardé par Al-Zawahiri, qui avait, à chaque fois, conditionné les accords. Très suspicieux depuis, il avait exigé que le Gspc expurge de ses rangs des éléments jugés douteux ou pas assez «convaincus». Ce que Abdelouadoud avait pu accomplir, et le Gspc a connu alors des purges et des révisions dans ses structures internes, ses modes opératoires et son action armée. Après quoi, le ralliement du Gspc à Al Qaîda avait été possible. Ce qui induit que désormais, il faut recruter et s'allier à des hommes nouveaux sur le Vieux Continent...