Coup sur coup, Sharon annonce son renoncement à exiger une semaine de «calme absolu» et réduit les mesures astreignantes contre Arafat Si, sur le terrain, l'armée israélienne poursuit ses incursions dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie ou des accrochages ont eu lieu, (six Palestiniens ont été tués à la mi-journée d'hier), sur le plan politique les choses semblent s'éclaircir quelque peu. Cela suite à la décision, annoncée vendredi, du chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, de renoncer à son exigence de «calme absolu» pendant au moins une durée de sept jours, pour reprendre le dialogue avec les Palestiniens. Maintenant, il se dit prêt à négocier le cessez-le-feu dans la situation prévalant dans les territoires occupés, marquée par la guerre totale livrée par l'armée israélienne au peuple palestinien. Deuxième coup de pouce, c'est la levée partielle des contraintes de la résidence forcée du président Arafat à Ramallah. Ce qu'a déclaré, hier, à la radio militaire israélienne, Shimon Peres, chef de la diplomatie israélienne, assurant que «Yasser Arafat va être autorisé dans les prochains jours à se déplacer en Cisjordanie et dans la bande de Ghaza», n'excluant pas que le président palestinien pourra se rendre à l'étranger, entendre, par là, sa participation au sommet arabe prévu à Beyrouth les 27 et 28 mars prochains. Mais il ne fait pas de doute que cette nouvelle «ouverture» de Sharon n'est pas étrangère, d'une part à la prochaine venue de l'émissaire américain Anthony Zinni, pour le Moyen-Orient, mais surtout à l'irritation de plus en plus affirmée de l'administration américaine face aux dépassements de l'armée israélienne dans les territoires occupés. Car, négocier sous le feu, pour faire cessez-le-feu, est l'une des règles cardinales de toute guerre où les belligérants discutent pour arrêter le combat et jamais le contraire, comme le voulait Sharon qui prétendait ainsi imposer de nouvelles lois à la guerre. La seconde mesure, levée partielle des astreintes infligées au président palestinien, entre dans l'ordre des choses, si l'on conçoit que l'on négocie avec un adversaire libre de ses mouvements, capable de prendre et d'imposer les décisions que la situation exige. Arafat prisonnier, comme il l'est depuis trois mois, n'était qu'un otage ne disposant pas de son libre arbitre pour imposer quoi que ce soit à la résistance palestinienne. C'est ce que les Américains ont fini par comprendre, eux qui ne sont intervenus d'aucune manière pour mettre en garde Sharon contre tout excès. La décision de George W.Bush de dépêcher, de nouveau, Anthony Zinni dans la région, malgré la situation explosive qui y prévalait, les critiques acerbes du chef de la diplomatie américaine, le général Colin Powell, affirmant que le «Premier ministre Sharon doit regarder de près la politique qu'il suit et voir si elle marche» ont dû inciter le boucher des Palestiniens à enfin se servir de son cerveau plutôt que de sa force. L'introspection demandée par Colin Powell a abouti à des décisions qui vont enfin dans le sens d'une meilleure maîtrise de la situation tant sur le terrain qu'aux plans politique et diplomatique. Les Américains, qui pouvaient beaucoup, ont, a contrario, fait très peu pour épargner des centaines de vies humaines. Il ne faut pas s'y tromper, le profil bas que semble adopter Sharon n'est dû qu'à la pression sans doute «amicale» des protecteurs américains d'Israël. Car, le fond du dossier demeure invariable: le droit du peuple palestinien d'ériger son Etat indépendant. Cependant, il convient de relever que pour Sharon l'échec est consommé, n'ayant pu atteindre aucun des objectifs qu'il s'est fixés depuis sa prise de pouvoir à la tête du gouvernement israélien, à savoir assurer la sécurité des Israéliens, contenir les Palestiniens dans des sortes de «bantoustans», mettre le président Yasser Arafat «hors jeu». Bien au contraire sous sa poigne, qu'il voulait de fer, jamais il n'y eut autant de morts parmi les Israéliens que lors des douze mois de règne de Sharon. Selon des statistiques de la presse internationale, il y a eu le double de morts israéliens, durant cette période, que lors de toute la durée (six ans 1987-1993) de la première Intifadha. Ne comptant que sur la puissance de son armée, supérieurement équipée, Sharon croyait pouvoir venir rapidement à bout de la résistance palestinienne et imposer sa solution au conflit israélo-palestinien. Aujourd'hui, malgré ses bravades, Sharon est bien obligé de déchanter et de constater qu'il s'est lui-même enfoncé dans un bourbier autrement plus mouvant qu'il n'aurait jamais pu le croire. Après sa politique de la force, le chef du gouvernement israélien doit bien envisager autre chose et surtout changer de politique comme le presse, de le faire, la communauté internationale. En tout état de cause pour le chef de la diplomatie française, Hubert Védrine, c'est à Sharon de changer de politique affirmant: «L'amorce de la solution peut venir d'un changement de politique du gouvernement israélien, les Israéliens devraient constater que la politique menée pour rétablir la sécurité n'a fait qu'aggraver la situation. C'est à eux de prendre la décision d'en changer.» Avant même la «nouvelle» prise de position de Sharon, Yasser Arafat, qui n'en a pas fini, tout au long de ces mois, d'avaler des couleuvres, avait assuré à la Télévision italienne être «prêt» à reprendre le dialogue pour la paix «immédiatement» en dépit des «humiliations continuelles» que subit le peuple palestinien. Le fait patent à relever est que le contentieux du Proche-Orient est un problème politique qui appelle une solution politique. Plus tôt les Israéliens arriveront à cette évidence plus sûrement le conflit approchera de la sortie du tunnel.