80% des opérations de blanchiment d'argent passent par les crédits documentaires relatifs à l'import-export, selon les experts. Des inspecteurs de la Banque d'Algérie, spécialisés dans la lutte contre le blanchiment d'argent, effectuent depuis dimanche dernier des enquêtes au niveau des établissements bancaires privés, apprend-on de sources proches du dossier. Cette opération qui s'étendra, dans un second lieu, au secteur public, a été précédée par l'envoi de questionnaires aux établissements concernés pour évaluer la fiabilité du système mis en place visant à faire barrage au phénomène du blanchiment d'argent. «L'audit vise principalement à mesurer la capacité des banques nationales et étrangères à lutter contre ce fléau», précise notre source. Il s'agit, en outre, de tester sur le terrain, l'application de la loi 01-05 du 6 février 2005 relative à la prévention contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Deux ans après la promulgation de ce texte, renforcé en 2006 par la loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, les autorités algériennes ont décidé donc de procéder à la première évaluation. Notons qu'en vertu de ces deux textes, les banques sont soumises à un régime interne de contrôle visant à détecter toutes formes de blanchiment d'argent. Les inspecteurs de la Banque d'Algérie, mandatés par la Commission bancaire, transmettent immédiatement un rapport confidentiel à l'organe spécialisé dès qu'ils décèlent une opération présentant des lacunes. Le gouverneur de la Banque d'Algérie, M.Laksasi, a laissé entendre, dans une récente déclaration, que la situation n'avance pas au rythme voulu. «Il existe des disparités et des manques qu'il faudra rapidement combler», a-t-il soutenu devant les représentants de banques. Des défaillances mises en exergue par M.Lakhdari Mokhtar, directeur des affaires pénales au ministère de la Justice. Interrogé par L'Expression, il souligne que «les textes de loi doivent être confortés par la formation des juges et des agents de la police judiciaire». Pour ce dernier, le lien entre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes est prouvé. Si l'Algérie ne figurait pas, jusqu'à 2005, sur la liste des pays où ce phénomène est largement répandu, un récent rapport de la Gafi atteste que des réformes «apparaissent cependant nécessaires pour améliorer la réglementation, au niveau du processus de crédit et des normes antiblanchiment». Il faut savoir que dans le monde, plus de 600 milliards de dollars sont blanchis, chaque année. Les experts attirent l'attention des banques sur les transactions immobilières mais aussi les opérations de l'import-export. «80% des opérations de blanchiment d'argent passent par les crédits documentaires relatifs à l'import- export», selon la Gafi. Cet organisme international spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d'argent, procédera de son côté en 2008, à l'évaluation complète du système bancaire algérien. Alerté par les différents scandales qui ont éclaboussé le secteur bancaire, à leur tête «l'escroquerie du siècle» El Khalifa Bank, sans oublier la Bcia, Union Bank etc., les autorités algériennes ont révisé la législation en vigueur, en instaurant, d'une part, des paramètres plus rigides relatifs à l'autorisation de constitution de banque. Et en renforçant, d'autre part, le travail de contrôle interne. Le Conseil de la monnaie et du crédit (CMC), de son côté accorde une importance particulière à l'origine des capitaux, dans le cadre de la prévention et la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Un intérêt réitéré au cours de la session qui s'est tenue le 24 mai dernier. Notons que les inspecteurs chargés de l'audit ont bénéficié d'une formation dans ce domaine avec l'assistance de la Banque mondiale, la Banque de France et d'autres banques étrangères centrales. La durée de l'audit n'est pas limitée dans le temps. «Cela dépendra de la coopération des banques mais surtout du dispositif interne mis en place pour se conformer à la législation.»