Le Président sait qu'il a un atout en la majorité de la population en Kabylie qui est lasse et au bord de l'écoeurement depuis plusieurs mois. La rencontre Bouteflika-ârchs aura finalement lieu aujourd'hui. Le Président de la République fera en cette occasion un important discours à la nation sur la situation en Kabylie, dans l'après-midi même, qui sera diffusé en direct à la télévision et à la radio, apprend-on de sources autorisées. Ce discours, qui devra marquer un tournant dans la crise en Kabylie, sera également diffusé en tamazight (simultanément traduit à la Chaîne II) et en français (Chaîne III) pour une large compréhension de l'opinion publique, notamment en Kabylie. La présidence de la République ne voulant pas refaire l'erreur du 30 avril 2001, lorsque Bouteflika s'est présenté à la nation avec un discours en arabe littéraire qui, malgré sa teneur politique, était inaccessible à une population en Kabylie qui vivait déjà quinze jours d'émeutes. Mais le Président Bouteflika n'aura pas la partie facile tant ce dialogue a eu du mal à se dessiner. Défaillance des interlocuteurs potentiels, heurts violents et récurrents en Kabylie, atermoiements ou pressions de la classe politique notamment l'opposition et radicalisme exacerbé de certains acteurs ont failli «tuer» l'idée même d'une concertation entre Bouteflika et les ârchs. Preuve en est que les émeutes ont subitement repris en Kabylie, à Tizi Ouzou dans l'après-midi d'hier, et à El-Kseur en début de soirée, soit dans la localité symbole qui incarne la plate-forme du même nom et qui va servir de base de discussion entre le Président et les représentants des ârchs. Le dialogue prôné par le gouvernement, en première étape, revient maintenant au Président lui-même sur lequel les ârchs, particulièrement les dialoguistes, investissent des espoirs considérables pour le règlement de la crise qui va boucler, dans un mois, sa première année. C'est ce que Arab, le représentant des dialoguistes, disait il y a deux jours. Car, au-delà de la réussite ou de l'échec de ce dialogue, son existence même et la persévérance mise par le pouvoir pour le concrétiser sont déjà, en soi, une marque d'engagement et d'implication régulière concernant la situation en Kabylie. Le discours à la nation que va prononcer le Président va-t-il apaiser les esprits? Un chef de parti politique qui a été reçu par le Président récemment, confiait que Bouteflika lui avait dit que les ârchs pouvaient tout demander sauf le retrait de la Gendarmerie nationale de la région. Le tout consiste en un package de propositions que le Président peut assumer en tant que dernier recours tant le pourrissement a gagné du terrain. Bouteflika se met dans des conditions aptes à atténuer la tension et favoriser un dialogue serein, mais se refuse de franchir la ligne rouge. Une ligne qu'aucun Président ne peut d'ailleurs franchir du moment que cet acte constituerait une violation de la Constitution algérienne et remettrait en cause les fondements de la République et d'un Etat souverain sur l'ensemble de son territoire. C'est dans cette marge que le Président prendra à témoin la nation sur sa volonté inéluctable au dialogue. Les radicaux de tout bord ne vont certainement pas laisser Bouteflika imposer une logique de concertation qu'ils ont, d'ailleurs, combattue depuis le premier jour. Les émeutes en Kabylie risquent de s'étendre par des mécanismes d'entretien d'une tension qui commence à être trop usitée. Mais le Président sait qu'il a un atout en la majorité de la population en Kabylie, la fameuse majorité silencieuse des citoyens, qui est lasse et au bord de l'écoeurement depuis plusieurs mois. C'est certainement plus à elle que ce discours s'adressera.