Plusieurs incohérences risquent de mener le projet de Temmar vers une impasse. Les opérateurs économiques et experts «tapent» encore sur Hamid Temmar. La nouvelle stratégie industrielle risque d'être un gros ratage si des correctifs ne sont pas apportés. Il est vrai que le contexte actuel appelle à une nouvelle politique, mais les priorités doivent être prises en compte. Au tableau de bord, une productivité à l'état de stagnation, un taux d'utilisation des capacités des plus inférieurs, une croissance très faible en comparaison avec les ressources injectées. Autrement dit, le taux de croissance flirte à peine avec la moyenne africaine qui est de 5 à 6%, tandis que d'autres pays développent une meilleure croissance sans pour autant faire appel à des plans de relance. C'est le premier constat de Abdelhak Lamiri, expert économiste et docteur en sciences de gestion en Californie (USA). Ce n'est pas tout. D'autres voyants sont au rouge. Explications: les exportations hors-hydrocarbures stagnent aussi ainsi que le secteur de recherche et du développement, le taux de création d'entreprises qui est des plus bas, soit 70 pour 100.000 habitants, alors que des pays touchent la barre des 300 entreprises pour la même proportion d'habitants. Cela dit, «tous les indicateurs fondamentaux sont très fragiles», fera remarquer Abdelhak Lamiri, interrogé, jeudi, par L'Expression. Dans cet amalgame, l'avant-projet de stratégie industrielle est né car les responsables ne pouvaient pas rester les bras croisés. «C'était donc opportun de confectionner cette nouvelle politique industrielle», a-t-il estimé encore. Une autre critique: la stratégie telle qu'elle est conçue, est «trop orientée sur les investissements directs étrangers (IDE)». Notre interlocuteur estime que cela constitue bel et bien l'un des correctifs à mener pour réviser cette stratégie industrielle. Selon Abdelhak Lamiri, il est impossible de redresser économiquement un pays se basant uniquement sur les IDE. Car, l'économie se développe aussi, qu'on le veuille ou non, grâce aux entreprises nationales, notamment privées. «Ce n'est pas uniquement la stratégie qui est trop orientée sur les IDE, mais surtout toutes les politiques économiques nationales qui sont orientées vers l'étranger». Résultat: si on ne développe pas un capital et un privé national qui est appelé à se déployer ici et ailleurs, cela veut dire que d'ici quelques années, 80% des secteurs industriels et bancaires seront entre les mains des étrangers. Et par conséquent, c'est un risque maximum et dangereux pour l'économie nationale, surtout lorsqu'on commence à rapatrier les dividendes. Après tout, «une stratégie industrielle ne peut fonctionner s'il n'existe pas une stratégie globale». C'est l'autre maillon faible qui risque de faire tomber à l'eau cette nouvelle politique industrielle fabriquée par Hamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion de l'investissement. Cette stratégie globale doit impliquer tous les secteurs, y compris celui de l'industrie. Autrement dit, la politique industrielle doit s'intégrer dans cette stratégie globale. C'est, d'ailleurs, l'une des choses à reconsidérer, à en croire Abdelhak Lamiri. Ce dernier croit que les maîtres de l'ouvrage se sont trompés de méthode. Pourquoi? D'après lui, les concepteurs de la nouvelle stratégie industrielle n'auraient pas dû choisir les activités à forte connotation énergétique. Primo, il faudrait, dans ce cas-là, convaincre l'OMC et les Européens, qu'en Algérie, on continue à vendre l'énergie à des entreprises à un coût différent du prix mondial. «Ce n'est pas sûr que les autorités internationales acceptent parce que cela ne peut pas se faire en référence aux lois internationales». Secundo, si on développe un secteur économique basé sur l'énergie, cela veut dire que si les prix de l'énergie chutent dans les marchés internationaux, c'est toute l'économie qui s'effondre. C'est un double effondrement de l'économie nationale. Autrement dit, c'est un retour pur et simple à une économie dépendante de l'énergie. A propos de la mise à niveau, Abdelhak Lamiri se montre très réticent à l'idée de baser la nouvelle politique industrielle sur ce pilier. Premièrement, les entreprises nationales nécessitent beaucoup plus une action de redressement qu'une mise à niveau. C'est-à-dire qu'il est nécessaire d'éponger les dettes de ces entreprises et s'attaquer, ensuite, définitivement, aux facteurs à l'origine des déficits. Deuxièmement, l'Etat est appelé à assumer sa mission de régulation et se retirer du champ de la gestion. Car, «il est impossible de maîtriser le métier de gestion lorsqu'on n'arrive même pas à assumer le rôle de base qui est la régulation». Après quoi, ce sont les banques qui ont pris le relais du Trésor public et les entreprises, soumises à la mise à niveau, s'endettant encore plus pour ne jamais rembourser.