Si Tlemcen et Alger ont été particulièrement épargnées par le terrorisme depuis deux ans, elles n'en restent pas moins deux grandes villes cosmopolites, deux pôles d'attraction qui arrivent en tête de liste des quarante-huit wilayas les plus touchées par la criminalité, la délinquance et le brigandage. Avec près de 3.000 affaires traitées en 2001 par les services de sécurité et les tribunaux compétents, Tlemcen et Alger arrivent largement en tête, suivies d'Oran avec 1.364 affaires traitées, et Boumerdès avec 1.226. Viennent ensuite Sétif, Blida, Tipasa, Sidi Bel Abbes et Mostaganem. Ce hit-parade de la criminalité met aussi en évidence les gros moyens mis à contribution par les délinquants et les réseaux mafieux. Micro-ordinateurs, armes, ateliers de fabrication et voitures de toutes sortes ont été mobilisés dans les affaires menées à terme ou qui ont échoué de peu. Toutefois, ce sont souvent des motifs liés à la pauvreté et à l'indigence sociale qui se trouvent à la base de la petite criminalité et de la délinquance. Aussi, les facteurs criminogènes, qui reviennent le plus souvent, sont à trouver du côté de la dérive des quartiers qui ne jouent plus leur rôle d'intégration sociale, l'affaiblissement du pouvoir d'achat, l'exode massif des populations, la déperdition scolaire et l'extension du chômage. Mais, souvent, on trouve facilement les moyens, même criminels, mis en pratique pour s'enrichir et renouveler les tentatives fructueuses. Là, le réseau prend forme par rapport à l'importance des affaires qu'il a «réussies» et peut se connecter, éventuellement, à d'autres petits réseaux de semblable importance, et devenir un véritable défi à la sécurité pour les services de sécurité. Pour la seule saison de 2001, 314 affaires liées à la saisie d'armes ont été traitées par la gendarmerie à travers le territoire national. Ce trafic d'armes mis au jour a concerné des armes allant du simple fusil de chasse jusqu'au lot important d'armement. Et, souvent, ces saisies ont été liées à la criminalité et non pas uniquement au terrorisme. La localisation des zones fortement criminogènes peut se calquer sur les frustrations y existantes, les moyens permettant la réussite d'entreprises mafieuses et les turbulences sociales qui s'y forment. Des régions calmes comme Tamentit, Ksar Chellala ou Meurad n'ont que peu de chances de devenir le théâtre d'une criminalité organisée et inquiétante, eu égard au calme de la commune, à la docilité des citoyens et à la tradition qui s'y est implantée et qui ont, de fait, évacué toute action violente, séditieuse ou criminelle. Des villes comme Tizi Ouzou ou Béjaïa, naguère sanctuaires de la «dolce vita», sont devenues, depuis les turbulences politico-sociales d'avril 2001, deux villes où la criminalité agit en plein jour et avec des moyens inquiétants, après la neutralisation des services de sécurité et le déploiement de petits groupes mafieux et structurés. Autre motif qui a généré une criminalité des moeurs et des affaires liées au code d'honneur : l'exode sécuritaire. Dans la seule wilaya de Djelfa, classée en bonne place des wilayas les plus pauvres du pays, au moins 100.000 personnes sont venues se greffer à la périphérie de la ville. Cet exode massif a charrié, on s'en doute, toutes sortes de petite délinquance et d'affaires de moeurs, dont les motifs sont souvent à chercher dans le chômage, la détérioration du pouvoir d'achat et la violence que génèrent les banlieues. En termes clairs, il s'agit d'endiguer un fléau qui tend à s'étendre. La lutte antiterroriste avait mobilisé toutes les actions des services de sécurité. Aujourd'hui il faut, peut-être revenir à cette priorité qui agit par effet de contamination : les «sages» sont contaminés par les délinquants qui le sont eux-mêmes par les gangs organisés, et ainsi de suite. La prévention, à partir des écoles, entre, aujourd'hui, dans la stratégie des corps de sécurité. L'enfant, l'adolescent étant les maillons faibles de cette contamination.