Le cabinet «d'urgence» de Salam Fayyad a prêté, hier, serment devant le président Abbas alors qu'Ismaïl Haniyeh reconduit son staff islamique. La rupture est ainsi définitivement consommée entre le Fatah d'Abou Mazen et le Hamas de Khaled Mechaal. Pouvait-il en être autrement lorsque tout poussait à cette extrémité, singulièrement les manoeuvres des Etats-Unis et d'Israël qui ont mis tout leur poids dans la balance pour arriver à ce clash souhaité depuis la victoire des islamistes du Hamas aux législatives de janvier 2006. Après les combats meurtriers ayant opposé factions du Fatah et du Hamas tout au long de l'année écoulée, et la plus grande partie de cette année, -qui ont fait des centaines de morts parmi la population palestinienne (dont 117 comptabilisés lors de la seule période du 7 au 15 juin courant) il était évident que les deux mouvement de résistance palestiniens (le Fatah et Hamas) n'avaient plus d'objectif commun à défendre qui est et reste la libération des territoires palestiniens occupés. Cette préoccupation s'est encore davantage éloignée lorsque les ambitions des uns et des autres ont pris le pas sur le but ultime qui est la restauration de la Palestine au moins dans les frontières délimitées par la ligne Verte issue de la première guerre israélo-arabe de 1948. Sans renvoyer dos-à-dos le Hamas et le Fatah, il n'en reste pas moins que ces deux mouvements se sont laissé dominer par les luttes de pouvoir et de suprématie aux dépens de la cause sacrée de la libération de la bande de Ghaza, de la Cisjordanie et d'El-Qods (Jérusalem-Est). Avec la formation à Ghaza (par le Hamas) et à Ramallah (par l'Autorité palestinienne) de deux gouvernements antagonistes, outre de confirmer que la crise qui oppose le Fatah au Hamas est avant tout politique, les Palestiniens donnent ainsi raison à ceux qui doutaient de leur capacité à gouverner et à se gouverner. L'empressement des Etats-Unis à déclarer leur disponibilité à «travailler» avec le cabinet de Salam Fayyad et à faire lever l'embargo (en faveur de l'Autorité palestinienne) qui asphyxie depuis plusieurs mois les territoires palestiniens est rien moins qu'innocent et participe aux manoeuvres qui ont accentué, ces derniers mois, les divergences entre les frères ennemis palestiniens. Dans le même temps, Israël décrète le blocus de Ghaza et le gel de la fourniture de carburants à ce territoire pointant ainsi du doigt le «mauvais élève» qu'est le mouvement islamiste par lequel tous les malheurs seraient arrivés. Une imagerie d'Epinal par l'absurde alors qu'Israël, appuyé par les Etats-Unis, a tout fait depuis l'arrivée au pouvoir de Hamas pour qu'il en soit ainsi, d'autant plus que le Quartette (USA, UE, Russie et ONU) offre la cerise sur le gâteau en exigeant d'un mouvement de résistance (le Hamas, par ailleurs connoté organisation terroriste par les Etats-Unis) de reconnaître un Etat, Israël, qui n'est autre que la seule puissance militaire du Moyen-Orient. Un fait sans précédent dans le droit international et piloté paradoxalement par les plus grandes puissance actuelles avec le soutien de l'ONU. La rupture et les combats meurtriers entre les frères palestiniens ont été, pour ainsi dire, programmés par ceux-là mêmes qui ont déjà partagé en 1947 la Palestine historique (qui ont attribué les 2/3 du territoire à la minorité juive et le 1/3 à la majorité arabe que les organisations terroristes sionistes de la Hagana, de Stern et de l'Irgoun se sont attelés à la rendre minoritaire dans sa propre patrie en organisant la terreur et les massacres collectifs à Deir Yassine, à Qafr Kacem et dans de nombreux villages palestiniens entre 1945 et 1952) et qui se retrouvent en 2007 au sein du «Quartette» lequel s'est plus illustré comme porte-voix de l'occupant israélien que comme une commission soucieuse de trouver une solution à un dossier ouvert depuis plus de soixante ans. Outre d'être le fait des Palestiniens eux-mêmes, les évènements qui marquent et ont marqué les territoires palestiniens sont, avant tout, la résultante de manoeuvres tendant à exclure une partie palestinienne, le Hamas, de la mise en oeuvre du futur des territoires palestiniens. Aujourd'hui, il y a deux «gouvernements» à Ghaza et en Cisjordanie qui peuvent se prévaloir l'un est l'autre de la légitimité populaire. Le Hamas du fait de la majorité dont il bénéficie au Conseil législatif palestinien (CLP, Parlement), le président Abbas d'avoir la même légitimité populaire et auquel le peuple palestinien a donné carte blanche. Ces deux légitimités -qui ne se contredisent pas- devenues rivales, ne sont pourtant pas prêtes à raison garder, allant jusqu'à régler leur différend par les armes. Cette rupture sanglante, entre frères palestiniens qui a pour conséquence première de remettre à des jours meilleurs l'érection d'un Etat palestinien indépendant, est surtout une grande défaite infligée à la Palestine par ses propres enfants.