«Les seuls traités qui compteraient, sont ceux qui se concluraient entre les arrière-pensées.» (Paul Valery 1875-1945). Jusqu'à vendredi, le Sommet européen qui s'est ouvert jeudi après-midi, faisait du «sur- place». Autrement dit, aucun soupçon d'accord ne s'annonçait sur une éventuelle réforme des institutions de l'Union. La chancelière allemande, qui préside l'Union jusqu'à la fin du mois, et qui avait la responsabilité de présenter ce projet de «traité simplifié», annonçait, vendredi matin, «qu'il restait beaucoup de problèmes à résoudre.» Dans ce ballet de haut vol exécuté par les 27 chefs d'Etat et de gouvernement, il y avait comme un air de tragédie grecque: les héros n'abdiquent pas. Tony Blair, ne veut rien concéder à ses voisins européens sur la politique étrangère et de défense nationale de son pays. Il n'invente rien, il ne fait que conforter la tradition anglaise, celle de son alliance indéfectible aux USA. Le président polonais, Lech Kazcynski, agite son droit de veto si son pays n'arrache pas quelques concessions, préférences et avantages pour son pays. Des subventions supplémentaires pour l'agriculture de la Pologne, le droit de renégocier des décisions européennes s'il le voulait et jusqu'à...des compensations financières demandées à l'Allemagne pour ses «méfaits» lors de la dernière guerre mondiale! Quant aux Hollandais, eux dont le PIB est réalisé à plus de 80% par l'exportation, ils souhaitent plus d'indépendance et de liberté à leur Parlement national. Ces quelques exemples montrent, s'il le faut, combien la réforme constitutionnelle de l'UE, pour politique qu'elle soit, ne peut échapper aux concurrences des intérêts nationaux. C'est de bonne guerre, certes, mais faire croire aux opinions publiques européennes que les blocages de l'UE sont dus à un pays ou deux (Pologne, Angleterre, Hollande) est un leurre politique. Comme celui d'ailleurs, dont s'en sert le président français, Nicolas Sarkozy, qui continue à faire croire que le projet de «traité simplifié» est son invention. Les médias français, y compris ceux dit de gauche, comme le journal Libération, lui faisaient un éloge dans ce sens. Jusqu'à hier, vendredi, la présidente de l'Union, Mme Angela Merkel, multipliait les rencontres séparées avec les leaders des pays qui résistaient encore, ceux de la Hollande, l'Angleterre, la Pologne et la Tchéquie. Un échec de ce Sommet sonnerait comme un échec des six mois de la présidence allemande de l'UE. Son seul espoir est qu'il y ait au moins un accord global qui l'inclurait dans le «mandat» de négociations pour des consultations intergouvernementales, que le Portugal endossera, en commun, avec la Commission européenne, à compter du 1er juillet prochain. Là aussi, il est impératif qu'un accord soit trouvé, au plus tard, en décembre 2007. L'année 2008 sera réservée à sa ratification par les Parlements nationaux, afin d'aborder les élections au Parlement européen, en 2009. Jeudi et vendredi, face au «désoeuvrement» des milliers de journalistes présents à Bruxelles pour ce Sommet, des écrans de télé interne diffusaient, en boucle, la cérémonie de signature du défunt projet de Constitution européenne, tenue à Rome le 29 octobre 2004. Ce Sommet de Bruxelles qui risque, exceptionnellement, d'aller jusqu'à samedi matin, montre combien la construction de l'Union européenne et son indépendance ne peuvent être de simples discours d'intention. La mondialisation peut provoquer de sérieux clivages -économique et politique- au sein de la même famille européenne.