Le défenseur des plaignants de ce procès a sorti la salle d'audience du tribunal de sa torpeur. D'anciens et l'actuelle ministre de la culture ont été cités lors du procès en diffamation intenté par les chercheurs du Cnrpah contre l'ex-directeur de l'Opnt, Ambès Hocine. Dimanche 1er juillet. Il a fallu attendre 14 heures pour que débute enfin «l'affaire Frobenius» au tribunal de Sidi M'hamed à Alger. Le réquisitoire du procureur de la République tombe. Il est 16 heures. 6 mois de prison ferme sont requis contre l'ex-directeur par intérim de l'Office du Parc national du Tassili, Ambès Hocine, l'ex-journaliste du quotidien Echourouk, Cheboub Boutaleb et son ex-directeur de rédaction, Kacem Nacereddine. La plaidoirie de Me Mahieddine Khelifa a été tonitruante. Fracassante. Le défenseur des plaignants de ce procès a sorti la salle d'audience du tribunal de sa torpeur. Tel un boxeur, il a cherché le K.O. d'emblée. «Dès ce soir, je saisirais la ministre à propos du document original d'autorisation d'exportation des échantillons, sortis de l'Opnt par Ambès Hocine». Ce dernier l'a mis à la disposition du tribunal quelques instants auparavant. Me Khelifa fait référence à l'article 7 de la loi qui interdit à un fonctionnaire, de sortir de son organisme l'original d'une pièce administrative. De surcroît lorsqu'il n'en fait plus partie. C'est le cas d'Ambès, directeur par intérim durant sept ans de l'Opnt, désigné récemment à la tête de la direction de la culture de Tipasa. Revenons aux faits, comment la tristement célèbre affaire Frobenius a éclaté? A l'origine une mission scientifique. Un cimetière de «boeufs anciens» est découvert dans la région de Mankhor au Tassili N'ajjer. La réputation internationale de «Sahariens» des allemands conduit tout naturellement à une collaboration avec l'institut Frobenius. Des conventions sont dûment signées. L'Opnt veut mettre à profit cette expérience pour former ses attachés de recherche tout droit sortis de l'université. 23 sachets de débris d'ossements sont acheminés vers un centre d'analyse parisien pour des datations. L'Algérie n'étant pas dotée d'un laboratoire de ce type. Les résultats obtenus déterminent l'âge du site à 6000 ans. Les 23 sachets de 200 grammes de débris d'ossements sont rapatriés à Alger, au Cnrpah où ils y sont toujours. Ils ne présentent plus aucun intérêt scientifique si ce n'est celui d'avoir été soumis à un procédé chimique. Dans sa livraison du 28 janvier 2006, le quotidien Echourouk annonce, en première page et en manchette: Echourouk publie le document confidentiel sur le scandale: «les détails complets du plus grand vol de vestiges en Algérie avec les noms et les dates.» Signé Cheboub Boutaleb qui ne fait plus partie de la rédaction du journal. Nous l'avons approché lors de l'audience du 1er juillet. «Ne pensez-vous pas avoir été un peu trop rapide dans vos conclusions?», lui demande-t-on? «Non» nous répond-il. Questionné par le président du tribunal sur le qualificatif de «criminels» utilisé contre les chercheurs algériens cités dans son article. (MM.Ferhat Nadjib, Saoudi Noureddine et Abderrahmane Khelifa), il répond: «j'ai repris les termes utilisés par la ministre de la Culture lors de la séance consacrée à cette affaire par l'APN». Que s'est-il passé à l'intérieur du palais Zighoud Youcef? «Un rapport jugé très confidentiel a été distribué par la ministre de la Culture aux vingt et un députés présents ce jour-là», nous confie Cheboub. Fellahi Adda, député d'El Islah et parent d'Ambès, selon Me Khelifa, a remis ce rapport au journaliste d'Echourouk. Ce rapport a été adressé par l'ex-directeur de l'Opnt le 11/02/2001 à M.Amimour, ministre de la Communication et de la Culture à l'époque. «C'est le ministre qui m'a chargé d'élaborer ce rapport», a déclaré Ambès au président du tribunal. Selon le journaliste incriminé, ce rapport relate «comment un groupe de responsables algériens s'est appliqué à faciliter, durant des années, la fuite du patrimoine culturel national aux frais du gouvernement algérien». Puis apparaît le nom du célèbre Institut allemand. «Les conventions passées entre l'Institut Frobenius, l'Opnt et le Centre national de recherches préhistoriques (Cnrpah) étaient illégales...». Les ministres de tutelle ont, à chaque fois, donné leur accord affirment les signataires des différents documents. Ce qui nous fait remonter jusqu'à Slimane Chikh dont le nom a été cité à l'audience. Lorsque Betrouni Mourad arrive à la tête de l'Opnt pour remplacer M.Kerzabi,parti à la retraite en 1998, il signe avec lui des passations en bonne et due forme. Sans aucune réserve. C'est à ce moment-là que le nouveau directeur sollicite certains attachés de recherche pour établir un rapport sur les différentes missions entreprises avec Frobenius. Ambès Hocine le brandit ce 1er juillet. Il en fait état au président du tribunal. On déborde. Veut-on noyer le poisson dans l'eau? Me Mahieddine Khelifa exploite la brèche. Il lui manquait un maillon. C'est Betrouni Mourad, directeur du patrimoine au ministère de la Culture. Il promet, il en fait presque un serment, de le ramener devant le tribunal. «Je vous promets qu'il sera bientôt devant vous», tonne-t-il. La défense plie mais ne rompt pas pour le moment. Le journaliste Cheboub déclare: «Si je dois faire de la prison, j'irai la tête haute». Même s'il a traité de criminel de potentiels innocents? Il ne regrette rien en apparence. «On vient de jouer le premier quart d'heure», lâche Me Khelifa, visiblement satisfait de cette première manche en attendant le verdict le 8 juillet.