«Les oufs désignent les invisibles que les sociétés négligent, ceux qui s'interdisent de rêver.» Après le succès fulgurant de Kif Kif demain, l'auteur et cinéaste Faïza Guène vient de publier un deuxième livre Du rêve pour les oufs, dans la même veine du «roman social», terme qu'elle préfère à celui de Plume des banlieues. Publié également chez Hachette Littératures, ce dernier roman vient d'être réédité aux éditions Sédia qui ont déjà à leur actif, dans le même registre d'écriture, Cités à comparaître de Karim Amellal qui, avec Faïza et une dizaine d'autres auteurs, sortiront un recueil de nouvelles chez Stock le 12 septembre prochain, intitulé Chronique d'une société annoncée. Ce recueil sera doublé d'un Manifeste, qui figurera en quatrième de couverture et explicitera les motifs de leur engagement. Ce sera le premier acte de ce collectif, né, ainsi, «d'une volonté commune d'agir en faveur des territoires en souffrance, urbains ou ruraux, et de promouvoir une littérature du réel, qui parle à tous et parle de tous». C'est dans cet esprit que s'inscrit Faïza Guène qui, invitée à s'exprimer sur son nouveau roman, mardi dernier, au Centre culturel français d'Alger, dira son droit de revendication à l'indifférence aujourd'hui, et pas à la différence, contrairement à ses aînés dans les années 80. Pour Faïza Guène, qui appartient malgré tout à cette «génération combative», beaucoup d'acquis sont aujourd'hui remis en cause en France. Aussi, elle ne comprend pas pourquoi, elle, née en France, on lui parle d'intégration. Aussi, ses romans plaisent-ils parce qu'ils parlent d'une réalité vécue et témoignent de la souffrance, notamment des filles enfermées dans la cité, mais aussi de l'ascension et émancipation de la femme maghrébine active, de carte de séjour, de rapports père-fille, de valeurs traditionnelles, de sentiments et de pudeur, mais aussi de pauvreté dans les banlieues...la Françoise Sagan des banlieues comme se plaît à la surnommer la presse française, y jette, à la fois, un regard plein d'humour et de tendresse, et d'autant plus humaniste sur ces parents, qui se retrouvent du jour au lendemain confrontés à d'autres «codes» de vie, ceux de leurs enfants. A 22 ans, Faïza Guène a déjà l'esprit vif et non désinvolte des gens de son âge. «Les oufs désignent les invisibles que les sociétés négligent, ceux qui s'interdisent de rêver...» A ceux-là, Faïza Guène leur donne accès à la parole, elle qui se rappelle, petite, avoir rêvé d'avoir des rollers, car n'étant pas à la portée des moyens de sa famille...Une anecdote qui la fait rire aujourd'hui. Française, d'origine algérienne, née à Bobigny en 1985, Faïza Guène vit avec ses parents à Pantin, en Seine-Saint-Denis depuis l'âge de huit ans. Mes parents sont d'Oran. Je dis tout le temps que je suis Algérienne même si je suis née ici. Diplômée de l'IUT de Bobigny, à l'université Paris XIII, section carrières sociales et socio-culturelles, puis étudiante en sociologie à l'université Paris VIII, à St-Denis, elle abandonne ses études pour se consacrer à l'écriture et à la réalisation de film. En 2004, elle réalise un moyen métrage, Rien que des mots, dont elle a signé le scénario. Elle suit, désormais, des études de lettres après avoir écrit son premier roman Kif kif demain qui sera vendu à 200.000 exemplaires et traduit en vingt-deux langues. Dans la lignée du précédent, son deuxième roman, Du rêve pour les oufs, sort le 28 août 2006. Très jeune, l'écriture est sa passion. «Je ne peux passer un jour sans gribouiller, ne serait-ce qu'une phrase. J'écris pour moi d'abord, sans jamais me stresser. J'aime faire de la poésie avec le langage des rues. Ce qui m'intéresse, c'est le mélange des genres. Je n'écris pas comme je parle. C'est faux», explique la jeune effrontée qui, en 1999, réalise son premier court métrage La Zonzonnière, puis pond, en 2002, deux courts métrages RTT et Rumeurs et un documentaire Mémoires du 17 octobre 61. C'est en 2004 que sort son premier roman Kif Kif demain puis un troisième court-métrage Rien que des mots. De 2004 à maintenant, Faïza signe une chronique mensuelle dans l'émission Le Monde selon Wam sur France Inter. En 2006 Du rêve pour les oufs voit le jour. Il confirmera ainsi son talent d'auteur à part entière. Faïza est invitée dans plusieurs plateaux télé. Sereine mais pas «conne», ayant le sens de la répartie, elle négocie son virage d'auteur sans se soucier de son avenir. Plutôt doucement, mais sûrement!