Pour une histoire de « rebaptisation » d'un lycée, la ville d'Akbou est plongée dans une situation de troubles qui n'est pas près de connaître son dénouement. Hier encore, la ville était sous tension, notamment aux alentours du siège de la sûreté de daïra où se déroulent les affrontements devenus maintenant quotidiens. Un groupuscule de jeunes fait face, dès la matinée, aux éléments de la brigade antiémeute, stationnés près du commissariat. Ces incidents ont débuté jeudi, lorsque cette brigade, obéissant aux autorités, est intervenue pour empêcher les animateurs de la coordination intercommunale, qui s'apprêtaient à inaugurer la «rebaptisation» du lycée Hafsa au nom du militant de la cause amazighe Mohamed Haroun. Cette intervention, qui, selon beaucoup de témoins, était musclée, aura été la cause qui a replongé cette localité dans la violence, dont les conséquences sont des plus dramatiques. Après avoir dispersé à l'aide de bombes lacrymogènes les participants au rassemblement qui devait être animé par la coordination interwilayas, les policiers ont arraché la nouvelle plaque de «rebaptisation», placée la veille par les délégués d'Akbou au fronton du lycée. Une action que l'ensemble des animateurs du mouvement citoyen avait alors jugée comme une «offense» et «une atteinte à la mémoire du défunt». La masse de jeunes ne s'est pas contentée du repli, mais est revenu à la charge pour affronter les éléments des forces antiémeutes et ce, durant toute la journée de jeudi. Une journée comparable à celles vécues au début des événements de Kabylie. Aux affrontements qui n'ont pas cessé durant la journée, s'est ajoutée la destruction des biens publics, fraîchement reconstruits. Le tribunal, la recette des impôts, le dépôt de l'Oncv et l'agence Sonelgaz ont été saccagés par les émeutiers en colère. Les principaux accès de la ville ont été barricadés. Aux assauts répétés des manifestants en furie, les CNS ripostaient par des bombes lacrymogènes sans pour autant parvenir à éloigner la foule du lycée, qui abritait au même moment une réunion des délégués de la coordination intercommunale. L'incursion, opérée par les éléments des brigades, s'était soldée par la confiscation d'un micro-ordinateur, rendu le lendemain, et l'interpellation de deux délégués qui ont été, par la suite, violentés avant d'être relâchés. La colère atteint alors son paroxysme, donnant lieu à de véritables scènes de violence de part et d'autre. Plusieurs mineurs furent arrêtés puis relâchés dans les heures qui suivirent. Vendredi, les incidents reprennent de plus belle, dès les premières heures de la matinée. Le commissariat sera de nouveau la cible d'un groupe de manifestants, qui l'arrose de divers projectiles, pendant qu'un autre affronte les éléments de la gendarmerie. Hier, les mêmes scènes de violence ont eu lieu devant le commissariat. Le même scénario, qui s'est répété durant toute la journée, était entrecoupé d'éphémères accalmies. Partout ailleurs, les citoyens vaquaient normalement à leurs occupations. Les commerçants avaient, hier, du mal à cacher leur colère, sans toutefois oser réagir devant cette situation qui les pénalise énormément. L'insécurité et divers actes malintentionnés sont leur lot quotidien. A l'heure où nous mettons sous presse, la tension demeure vive. On déplore, par ailleurs, un nombre important de blessés de part et d'autre. L'espoir de revoir une situation normale n'est pas pour demain, car les délégués communaux ont décidé d'une marche nationale mardi prochain. D'ici à là, la violence est partie pour durer. C'est du moins ce que nous ont confié beaucoup de jeunes que nous avons rencontrés, hier, sur place. De leurs propos ressort une haine qui en dit long sur leurs relations avec les corps de sécurité. Pour les citoyens en général, les autorités auraient dû laisser faire, d'autant plus que l'action à l'origine des troubles était destinée à honorer une figure emblématique de l'identité amazighe.