Cette décision, prise par le Président de la République et qui a été qualifiée d'une première dans l'Algérie indépendante par la classe politique, n'a pas été au goût des islamistes, des conservateurs et des baâthistes. Dans son discours à la nation, le chef de l'Etat a provoqué un tollé général dans le clan qui n'a jamais apprécié que les revendications des berbéristes aboutissent. Une phrase prononcée par Bouteflika a singulièrement fait sortir les opposants de leurs gonds. Limpide comme du cristal, la sentence du Président affirmait: «La constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale algérienne implique sa promotion et son développement dans les domaines de l'éducation, de la culture et de la communication.» Le Président précise qu'«elle implique surtout la valorisation de l'Histoire millénaire de l'Algérie dans toutes ses étapes et la consécration des luttes qui ont contribué à forger la personnalité algérienne et à consolider l'unité du peuple algérien». C'est alors que des voix se sont élevées pour relativiser la volonté du Président à défaut de la remettre en cause. Parmi ces dernières, il y a celles qui jugent l'acte déclaratif du chef de l'Etat comme «non démocratique». Les autres estiment que Boutefilka «a trop cédé à la Kabylie». Pour défendre cette «cause», ce clan, hostile à la constitutionnalisation de tamazight, organise, depuis mardi dernier, des meetings et des conclaves. A cet effet, c'est demain que le Conseil supérieur de la langue arabe se réunira pour prendre position par rapport à cette question. Du côté des partis politiques, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) a annoncé au lendemain du discours à la nation, avoir convoqué une «réunion extraordinaire» de son conseil consultatif pour «définir» sa position vis-à-vis «des questions fondamentales qui concernent tout le peuple et ont une incidence directe sur lui». Même si le communiqué du parti de Nahnah ne le dit pas clairement, il n'en demeure pas moins que parmi ces questions qui concernent le peuple dans sa totalité, la constitutionnalisation de tamazight est la plus importante. Dans une allusion claire à la décision du Président de la République de ne pas soumettre ce sujet au Parlement, le MSP affirme poursuivre «son action pour le parachèvement de la légalité» et «oeuvrera en permanence pour le respect de la Constitution et des institutions de la République». Le mouvement de Nahnah a fait remarquer qu'il demeure soucieux des intérêts «stratégiques du peuple algérien et de la défense des constantes nationales». Il promet, en outre, que «ses positions fondamentales» seront annoncées à l'issue de la réunion de son conseil consultatif. A chaud, M.Mokri avait affirmé que «le Président aurait dû respecter les procédés démocratiques pour constitutionnaliser cette langue». Pour Djaballah, Bouteflika a répondu aux principales revendications de la plate-forme d'El-Kseur en procédant à la constitutionnalisation de la langue amazighe et de sa reconnaissance comme langue nationale. En revanche, se mettant dans la peau d'un linguiste, il a émis le voeu que cette langue soit écrite en caractères arabes. Et comme d'habitude, il a précisé que des parties cherchent à utiliser tamazight à d'autres fins. Lahbib Adami, secrétaire général du mouvement Ennahda, qui a animé, jeudi, un rassemblement à Oran, n'a pas dérogé à la règle quant à cette question. Selon ce dernier, une telle décision engage tout le pays ce qui implique la prudence et la circonspection.