L'attentat de Lakhdaria présente tous les aspects d'une opération de marketing à l'occasion de la présence, à Alger, d'un fort contingent de journalistes étrangers. Al Qaîda au Maghreb islamique a frappé à Lakhdaria. Un kamikaze s'est fait exploser à proximité d'une caserne de l'ANP. Bilan provisoire: huit morts et vingt trois blessés, dont de nombreux civils. Le timing de l'attaque terroriste ne laisse l'ombre d'aucun doute. Après huit mois de menaces proférées par Ayman Al-Zawahiri contre les intérêts occidentaux et français en particulier, Al Qaîda est, semble-t-il, passée à l'acte par l'intermédiaire de sa désormais branche algérienne et en Algérie. «Le Gspc se transformera en épine à travers la gorge de la France», avait déclaré le numéro deux d'Al Qaîda, dans un message diffusé par la chaîne Al Jazeera, au lendemain des attentats perpétrés simultanément dans les wilayas de Boumerdès et de Tizi Ouzou. Sur le plan médiatique, après le ralliement du Gspc à Al Qaîda et le discours de celle-ci, la chaîne satellitaire qatarie Al Jazeera s'est chargée de son amplification. Or, l'attaque de Lakhdaria survient le lendemain de la visite de Nicolas Sarkozy et le jour de la cérémonie d'ouverture des Jeux africains. Deux événements mis à profit par l'organisation dirigée par Abdelmalek Droukdel alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, lequel, avec un sens criminel sans pareil, a assassiné des innocents juste pour assurer à ses attentats les effets «spéciaux» et spectaculaires. Le message est destiné aussi à Nicolas Sarkozy, venu défendre son initiative d'une Union méditerranéenne comme un mécanisme de lutte efficace contre le terroriste et l'immigration clandestine. L'enlèvement du couple Thevenot, des diplomates français, en 1993, l'affaire sanglante de l'Airbus et l'horrible massacre perpétré contre les moines de Tibhirine, entre autres, sans oublier les attentats du métro de Paris, ont toujours maintenu la France en arrière-plan de l'actualité sécuritaire dans notre pays. Nicolas Sarkozy faisait partie des rares personnalités politiques françaises qui avaient appelé à aider l'Algérie dans la lutte antiterroriste. Comme quoi, on considérait déjà l'actuel chef de l'Etat français comme un éradicateur de première. Les manipulateurs du terrorisme n'ont pas la mémoire courte. Depuis les attentats avortés de Londres et Glasgow, ce sont pratiquement tous les pays européens qui ont élevé le niveau d'alerte de leurs forces de sécurité. Afin de mettre ses menaces à exécution, Al Qaîda a saisi la visite du président français en Algérie. Acculés jusqu'aux fins fonds de leurs arrière-bases par les forces de sécurité, les groupes armés affiliés au Gspc installés dans la zone centre (ex-zone II), qui englobe les wilayas de Boumerdès, Tizi Ouzou et Bouira, n'ont pas réussi, apparemment, à percer le «quadrillage» sécuritaire maintenu autour de la capitale, à l'occasion de la visite de Sarkozy, mais aussi pour la couverture des Jeux africains pour lesquels pas moins de 8000 agents de sécurité ont été mobilisés. Mais pourquoi la ville de Lakhdaria? Lakhdaria, c'est le mont Z'barbar, dramatiquement lié aux tueries perpétrées par les sanguinaires du MIA, du GIA et autres groupes terroristes. Dès les premiers jours du terrorisme barbare, toute la région de Lakhdaria est secouée par l'enlèvement et le lâche assassinat d'un gendarme. Les «chouyoukh» de l'ex-FIS n'avaient pas condamné cet acte barbare. Cela voulait tout dire. Il faut rappeler que c'est à Z'barbar, qu'Abderrahim, un des auteurs de l'attentat contre l'aéroport Houari Boumediene, a fait ses armes. Des terroristes notoires, à l'image de Kazouit, Medjbeur, Zitouni, El Fermèche et Zouabri ont également séjourné dans cette région de Lakhdaria. Plusieurs terroristes graciés (avant d'avoir purgé leur peine) dans le cadre de la concorde civile et la réconciliation nationale, ont rejoint les maquis et seraient derrière la planification de cet attentat kamikaze, perpétré 90 jours après celui contre le Palais du gouvernement à Alger et le commissariat de Bab Ezzouar le 11 avril 2007. Pour Al Qaîda au Maghreb islamique, Lakhdaria représente-t-elle le point le plus proche de la capitale au-delà duquel elle n'a pas réussi à s'exfiltrer? Difficile de répondre à cette question, car le terrorisme n'a pas encore complètement perdu ses capacités de nuisance. D'autant plus que les commanditaires ne voulaient pas jouer sur les conjonctures qui font d'Alger le centre de l'attention médiatique dans le monde. Les commanditaires de l'attentat de Lakhdaria pensent-ils faire peur à la France en perpétrant des actions barbares en Algérie? Il s'agit d'une logique insensée à laquelle on veut soumet-tre les Algériens. Quel genre de djihad Zawahiri veut-il pratiquer, lorsqu'il commandite l'assassinat d'innocents? En Irak, ses sbires se «réveillent» et découvrent subitement que l'Iran s'immisce dans les affaires irakiennes. Après avoir été isolé par les tribus sunnites, Abou Omar Al Baghdadi menace Téhéran. A Ghaza, ce sont des voix qui montent pour dire que le Hamas palestinien sert de refuge à Al Qaîda. Une chose est sûre, l'opinion publique sait, désormais, à quoi s'en tenir. Là où Al Qaîda fait parler d'elle, il est question d'enjeux qui dépassent cette mystérieuse organisation et dont, paradoxalement, seul l'Occident en tire profit au plan stratégique.