Le projet de porter la part de l'immigration de travail à 50% des entrées sur le sol français, laisse les chercheurs sceptiques. La controverse persiste sur la nouvelle politique d'immigration en France. Après les associations, les chercheurs s'y mettent. Le projet de porter la part de l'immigration de travail à 50% des entrées sur le sol français est minutieusement passé en revue. Rappelons que cette mesure a été formellement exprimée, la semaine dernière, par le chef de l'Etat français, Nicolas Sarkozy. Les directives sont claires: «Vous fixerez, chaque année, des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation en France, et vous viserez l'objectif que l'immigration économique représente 50% du flux total des entrées à fin d'installation durable en France» écrit Sarkozy, lundi dernier, dans une lettre de mission adressée au ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale Brice Hortefeux. Pour les chercheurs français, qui se sont réunis à la fin de la semaine dernière à Paris, cette mesure n'est autre que la traduction de la politique de l'immigration choisie. Mais où réside le danger de concrétiser ce projet? Les chercheurs sont catégoriques: le péril demeure dans le fait que l'immigration sélective accélère, voire aggrave, le phénomène de la fuite des cerveaux. Les pays pauvres pâtiront, sérieusement, de la saignée qui les a déjà fortement ébranlés. «Il faut arrêter de dire qu'il y a une immigration subie qui vit des allocations et une autre qui travaille», tranche Antoine Math, chercheur de l'Institut français de recherches économiques et sociales (Ires). «Par-delà les aspects éthiques sur la remise en cause d'une immigration de droit qu'est l'immigration familiale», il y a «un effet d'affichage et de bricolage des chiffres». Les futurs immigrés choisis, pour travailler en France, et optant pour un parmi les 61 métiers réservés aux nouveaux entrants, «seront davantage soumis au bon vouloir de l'employeur», a-t-il noté dans une interview au journal Libération. Plus précis, M.Math ajoute: «au total, parmi ceux comptabilisés au titre de l'immigration permanente et qui entrent chaque année sur le marché du travail en France, près de 100.000 sont des étrangers décidément mal qualifiés par le terme subie». Certains vont jusqu'à mettre en cause la possibilité de la concrétisation du but fixé par Sarkozy. «Il est absolument irréalisable» affirme le directeur de recherche au Cnrs français et spécialiste de l'immigration, Patrick Weil, dans une déclaration à l'APS. Détaillant plus son argumentaire, M.Weil indique que la part de l'immigration économique, pour l'année 2005, le nombre de ces titres était de neuf mille sur cent trente-six mille titres délivrés à des immigrés permanents hors Union européenne. «Ce qui représente environ 6,6%», a-t-il évalué. Il a souligné, en outre, que «cela ne veut pas dire que les autres migrants qui obtiennent un titre, par exemple comme conjoint de Français, ne travaillent pas». Plus précis, le directeur de recherche au Cnrs souligne qu'«une étude menée à la demande du ministère des affaires sociales montre que 70% des personnes qui entrent au titre de la migration familiale travaillent». Le caractère non-faisable de cette immigration économique a aussi été souligné par le chef de la division migrations internationales de l'organisation occidentale Ocde, M.Jean-Pierre Garson. «A court terme, un gouvernement peut, au mieux, retarder l'immigration familiale en durcissant les critères d'entrée. Mais c'est le marché du travail qui détermine l'importance des migrations à des fins d'emploi», a-t-il souligné. Il a considéré que de par ce projet, le gouvernement français court le risque de couper l'herbe sous ses propres pieds. Comment? Jean Pierre Garson s'explique: le recours à l'immigration économique comporte le risque de «se couper du potentiel de futurs travailleurs par le biais de l'immigration familiale et décourager, notamment la venue de migrants qualifiés, car toute immigration de travail entraîne de l'immigration familiale et le fait de fixer des plafonds suscite la méfiance des immigrés sur la situation qui leur sera réservée». Par ailleurs, cette politique prônée par Sarkozy, laisse les observateurs croire qu'elle ne fera que ternir l'image de la France. Les compétences des pays pauvres préfèrent opter pour d'autres horizons, Grande-Bretagne, le Canada et les Etats-Unis, à une France, «frileuse et repliée sur elle-même, voire perçue comme xénophobe».