Le tribunal juge-t-il les vrais maîtres d'oeuvre des logements détruits par le séisme? C'est la question qui se pose au vu de la tournure de la situation. Un coup de théâtre. Au quatrième jour du procès du séisme de Boumerdès, le tribunal s'est retrouvé dos au mur. En fait, lors de la séance d'hier, qui n'a duré que deux heures, le président M.Benabdallah, a traité les deux derniers dossiers mettant en cause l'Opgi. Il s'agit du projet des 102 logements de Corso et celui des 210 logements de Tidjelabine. Le premier cité a causé la mort de 19 personnes. Le président de la section correctionnelle convoque à la barre M.Heni Adda Kamel, ex-directeur général de l'Opgi et Smati Ahcène, chef de service chargé du suivi et du contrôle technique. Ils sont accusés «d'homicide involontaire et blessures involontaires, et fraude dans les matériaux de construction utilisés». Les accusés sont étonnés par l'intitulé de cette accusation, M.Heni Adda a affirmé que les logements en question ont été construits entre 83 et 88, alors qu'il n'était pas à la tête de l'Opgi. Idem pour M.Smati. «Lors de la construction de ce projet, j'étais encore élève au collège, je n'avais rien à voir avec le contrôle du projet», affirme ce dernier. Le président du tribunal, convoque quand même l'experte juridique, Mme Yahiaoui Karima, pour qu'elle présente, son expertise. Dans sa conclusion, celle-ci a mentionné les points suivants: la violence de l'agression sismique selon les enregistrements et les estimations alors évaluées, les accélérations dans cette zone auraient atteint le triple du code prévu par le règlement parasismique (RPA-88). A propos des erreurs humaines, l'expert a relevé le mauvais choix de l'assiette foncière. «Le site est inapproprié, il a été construit à 15 mètres d'une falaise de 50 mètres de profondeur». Les accusés ne formulent aucun commentaire. Idem pour la défense. Ils se disent non concernés par le projet et encore moins par l'expertise. Dans ce contexte, un certain nombre de questions s'imposent. Pourquoi les responsables de ce projet (exécuté entre 83-88) n'ont pas été convoqués? Où sont passés les ingénieurs du CTC qui ont officié à l'époque? Et le bureau d'études? Qui sont les vrais responsables du projet? Pas de réponses. Quelles suites seront donc données à ces points importants pour la compréhension du processus qui a présidé à la mise en oeuvre des projets? Donc, on passe au point suivant. Le juge du siège ouvre le dossier du projet des 210 logements de Tidjelabine, 22 personnes ont trouvé la mort sur le site. Les mêmes accusés sont de nouveau convoqués. Mêmes questions et mêmes réponses. M.Heni Adda Kamel n'était pas à la tête de l'Opgi lors de la construction du projet. Et M.Smati? «J'étais étudiant en première année universitaire», indiquera le mis en cause. Et le bureau d'études? Aucun signe, car, explique le magistrat, il s'agit d'un ingénieur égyptien, Okba Nasri, qui a quitté l'Algérie depuis. M.Benabdallah fait appel à Mme. Khedaoudj Azzouz, experte de la 2e commission ministérielle. Celle-ci a donné les indications suivantes: le dénivelé entre 2 blocs mitoyens a causé un grand problème de martèlement, la longueur du joint sismique entre blocs n'était pas assez grande pour éviter le choc, l'écrasement et l'éclatement du béton au niveau des noeuds, la formation des rotules plastiques au niveau des noeuds des portiques, les poteaux ont été fortement cisaillés, occasionnés par l'absence d'aciers transversaux, l'écartement des cadres qui est parfois de 30 à 40 cm, un espace de 3 à 4 fois plus important que les recommandations des normes parasismiques et enfin, le béton étant de mauvaise qualité a représenté une ségrégation. Les accusés n'ont émis «aucun commentaire». La défense, quant à elle, s'est interrogée sur la crédibilité de cette commission ministérielle. Se référant au décret 94-07, Me Hadj Ali estime que ladite commission n'est pas assermentée: «La loi est claire, pour que la justice prenne en considération ce témoignage, les experts doivent être assermentés», affirme-t-il. Le parquet n'a pas poussé plus loin ses questions. Idem pour la défense également qui s'en est tenue à ce constat. Le président a ensuite ouvert le deuxième dossier, celui mettant en cause l'Eplf. Suite à l'absence des accusés et de quelques avocats, la séance a été levée. Le procès reprend aujourd'hui avec les trois projets de l'Eplf, concernant les 10 logements de Sidi Daoud, les 252 logements des Issers et enfin les 102 logements de Corso.