Au 7e jour du procès, le président de la Sntf (Dar El Beïda) est venu s'expliquer devant le tribunal. Au suivant. Pas de temps à perdre. Le tribunal correctionnel de Boumerdès ouvre un nouveau dossier, dans le procès du séisme de Boumerdès. Il s'agit des immeubles effondrés de la Sntf Corso, qui ont causé 49 morts. L'histoire de ces logements a commencé lorsque la Sntf a décidé de construire 1000 logements. Parmi les sites choisis, figure celui de Corso. Ziyadi Mouldi, président-directeur général de la Sntf, section de Dar El Beïda, a été chargé de désigner les partenaires de la construction pour la réalisation du projet de Corso. Le juge du siège, M.Redouane Benabdellah, a appelé M.Ziyadi à la barre. Celui-ci a confirmé qu'il a suivi le projet depuis le début jusqu'à la réception définitive, exceptée l'étude du sol. Il affirme au tribunal qu'il a suivi et bien contrôlé le volet administratif et technique du projet. A propos de ce dernier point, le mis en cause affirme: «Le contrôle technique a été fait en se référant au PV de mon staff technique, ingénieurs du CTC, bureau d'études et ingénieurs en génie civil». A la suite de ces précisions, le président de la section correctionnelle demande à M.Ziyadi d'expliquer «les raisons de l'effondrement de ces immeubles». doplomé en géologie (magistère obtenu en ex-Union soviétique, après des études en Finlande), il a répondu: «La nature du sol du nord de l'Algérie est très fragile.» Une réponse pour justifier que l'effondrement est dû à l'instabilité du sol dans cette région du pays. L'accusé a confirmé qu'«aucune réserve n'a été formulée sur le projet jusqu'à la réception provisoire». Interrogé par le magistrat sur les expertises effectuées après le séisme, M.Ziyadi a expliqué: «J'ai refusé l'expertise de l'experte désignée par la justice, car il n'y a aucune faute liée au facteur humain, dans le projet». Le président fait appel à l'entrepreneur. Yacine M'henni. Après interrogations, il s'est avéré que c'était l'entrepreneur qui a signé le contrat avec le CTC. Un point qui ne peut passer inaperçu aux yeux du parquet. Le magistrat s'exclame: «Comment l'entrepreneur paie le CTC pour lui faire des contrôles?» D'après lui, c'est le maître de l'ouvrage qui devait signer la convention avec le CTC et non pas l'entrepreneur. Pis, la réception provisoire et définitive a été validée par les ingénieurs du CTC et ceux du bureau d'études. Il a été relevé que c'est l'entrepreneur qui faisait les prélèvements et non les services compétents. Le président demande à l'accusé de confirmer que le PV de réception provisoire et définitive n'a pas été signé par les services du CTC et le bureau d'études. «Oui, je le confirme. Leur présence n'est pas importante. Les travaux ont été faits selon les normes.» Pour éclairer ce point, le magistrat demande à Benghanem Farid, ingénieur du CTC, de passer à la barre. Redouane Benabdellah lance une série de questions: «Confirmez-vous que le CTC n'a pas signé le PV de la réception provisoire et définitive?» L'accusé affirme: «Oui, M. le président, je le confirme.» «Pourquoi?», enchaîne le juge du siège. Le mis en cause répond: «Je n'étais pas invité. Le maître de l'ouvrage ne nous a pas indiqué les dates des deux réceptions.» Ainsi, le président, M.Benabdellah, demande à M.Benghanem d'expliquer à la justice s'il a émis des réserves sur ce projet. L'accusé affirme encore: «Oui, M. le président. J'ai formulé des réserves qui n'ont pas été levées.» Sur demande du parquet, l'accusé a précisé qu'il a formulé des réserves sur, d'abord, le choix du site. Les fondations ont été construites à côté de la voie ferrée. Encore, une anomalie, d'après le CTC. Il s'agit de la construction de voie périphérique. «A la suite du passage d'un train d'Oran, j'ai ressenti, sur les lieux, des vibrations. Là, j'ai demandé au maître de l'ouvrage de construire un mur de soutènement en béton armé séparant le site de la voie ferrée. Ce mur pourrait atténuer les vibrations et ne pas, par ricochet, secouer les fondations des bâtisses», témoigne-t-il. «Le voile périphérique a-t-il été construit?» demande le président. L'ingénieur du CTC répond par la négative. «Non, Monsieur le président, car mes réserves n'ont pas été levées.» Pour bien décortiquer ce point, le juge du siège rappelle le maître de l'ouvrage à la barre. M.Ziyadi a apporté un démenti aux déclarations de M.Benghanem: «Je n'ai reçu aucune réserve de la part du CTC. Il n'a jamais parlé de voile périphérique.» Rappelé aussi à la barre, l'entrepreneur épaule son maître de l'ouvrage et enfonce l'ingénieur du CTC. «Je n'ai pas reçu une quelconque réserve, ni écrite ni orale», témoigne-t-il. Le procureur intervient et demande à M.Benghanem de préciser. Il aurait signé le PV de réception provisoire dans le cas où il aurait été invité. «Non, M. le procureur, je n'aurais pas signé si j'étais présent», affirme-t-il. Une question s'impose dans ce cas. La validation du CTC du projet est-elle une condition de recevabilité? Me Bouraoui affirme que «du point de vue juridique, la signature du CTC n'est pas obligatoire». Comme d'habitude, la séance de l'après-midi a commencé par la présentation des expertises effectuées à propos de ce projet. Selon Mme Yahiaoui Karima, experte-architecte, les anomalies mises en lumière par la puissance du séisme sont le fait de facteurs humains. Elle a démenti dans son expertise, l'existence d'une quelconque réserve du CTC, liée notamment à la construction du voile périphérique. Quant à la commission ministérielle, elle a «constaté» les mêmes anomalies relevées dans les anciens projets.