C'est la première fois au monde qu'un procès sur un séisme a lieu. L'heure de vérité approche. Le verdict du procès du séisme de Boumerdès sera connu mardi prochain. Le juge du siège, M.Benabdellah Redouane, rendra, ainsi, son verdict ce 31 juillet. Les plaidoiries ont pris fin, tard dans la soirée d'avant-hier, (vers 22h30). Prévue pour le 26 juin, l'ouverture du procès n'a lieu finalement que le 10 juillet. La première semaine a été consacrée aux auditions et aux interrogatoires. 37 inculpés, dont un en fuite, se sont succédé à la barre, entre responsables d'entreprises, entrepreneurs, promoteurs immobiliers publics et privés, architectes, responsables de bureaux d'études, ingénieurs et techniciens du CTC. Ils sont poursuivis pour «homicide involontaire, blessures involontaires, négligence, fraude dans la qualité des matériaux, fraude dans la quantité des matériaux et non-respect des normes de construction». Quinze jours pour débattre cinq dossiers et treize projets. Il s'agit de cinq projets de l'Opgi, de trois autres de l'Eplf, un projet de la coopérative Derriche, un autre de la cité universitaire de Corso et enfin celui de la Sntf. Le premier opérateur appelé est inculpé dans sept projets: les 132 et 80 logements de Zemmouri, 20 logements à la commune de Sidi Daoud, 102 logements à Corso, 50 à Dellys, et enfin les 20 et 219 logements à Tidjelabine. Quant à l'Eplf, elle est inculpée dans trois projets, à savoir les 122 logements de Corso, les 252 logements des Issers et les 10 logements de Sidi Daoud. Du côté de la partie civile, environ 400 personnes ont été appelées lors du procès. Les témoins n'ont pas manqué au rendez-vous. Ingénieurs, architectes experts publics et experts des deux commissions ministérielles ont tous apporté leurs témoignages au tribunal, en plus des experts scientifiques ayant établi des expertises sur la nature du séisme. On cite Chelghoum Abdelkarim(*) et Yellès Chaouchi Abdelkarim(**). Après avoir écouté les témoignages et les différentes versions, le représentant du ministère public a requis de lourdes peines: 3 ans de prison ferme et 100.000 dinars d'amende à l'encontre de 33 inculpés. Par la même occasion, le représentant du ministère public a exprimé la relaxe pour trois inculpés, à savoir MM.Aït Sidhoum Abdelhamid, Chibi Boussaâd et Ghazibaouène Achour. Tandis qu'un mandat d'arrêt international à l'encontre de M.Hirani Abdelkader, représentant du CTC, actuellement en fuite, a été formulé par le représentant du ministère public. Un réquisitoire rejeté en bloc par la défense. La cible privilégiée des flèches décochées demeure les conclusions qui, selon la défense, ont été superficielles: deux commissions ministérielles eu égard à leur composante, (fonctionnaires du départements de l'habitat). La commission d'enquête est qualifiée de «purement administrative» par la quasi-totalité des avocats qui se sont succédé au prétoire. Le temps (un mois) qu'avaient pris les travaux de l'expertise, est jugé insuffisant et en deçà du temps imparti à une expertise digne de ce nom. Les expertises «ministérielles» et celles des experts désignés par le juge d'instruction, ont été rejetées dans le fond et dans la forme par les avocats. Les experts désavoués. La défense renvoie la balle dans le camp de l'Etat. Tout au long de l'audience, les avocats ont lancé une série d'interrogations: qui a délivré les permis de construire aux promoteurs et aux particuliers, sachant bien que la wilaya de Boumerdès est classée zone II, autrement dit, une zone à très forte sismicité? La responsabilité incombe-t-elle au ministère de l'Habitat en sa qualité de premier responsable du secteur? Qui a importé l'acier irradié de l'Ukraine? Où est passé le contrôle des matériaux de construction d'importation utilisés dans la construction des immeubles qui se sont effondrés, à la suite de cette catastrophe naturelle? Les vrais coupables étaient-ils présents à la salle d'audience? Peut-on aller contre la puissance divine, du fait que le séisme est un phénomène naturel? Autant de questions restées sans réponses. La Cour a une semaine pour délibérer. Que justice soit faite. (*) Professeur en dynamique et en génie parasismique, président du Club des risques majeurs et également président du Cabinet du génie parasismique, dynamique et sismologie (Cpds). (**) directeur général du Craag (Centre de recherche en astronomie, en astrophysique et en géophysique - Observatoire de Bouzaréah.