«Entretenir la nation russienne dans un état de guerre continuelle, pour tenir le soldat aguerri et toujours en haleine...refaire les armées et choisir les moments opportuns pour l'attaque. Faire ainsi servir la paix à la guerre, et la guerre à la paix, dans l'intérêt de l'agrandissement et de la prospérité croissante de la Russie.» (Pierre Le Grand, 1672 -1725 - Tsar de Russie). En novembre 2006, un ex-agent des services secrets russes, le lieutenant colonel Alexandre Litvinenko meurt en Grande-Bretagne, empoisonné au polonium. Les soupçons se tournent vers Moscou et son FSB (ex KGB). En juillet 2007, Moscou et Londres sont à la limite de la rupture des relations diplomatiques. En sept mois, la polémique sur les raisons et les auteurs de l'assassinat de Litvinenko a évolué en une crise politique et diplomatique entre Moscou et Londres qui risque de remettre en cause le partenariat stratégique bâti entre l'Europe et la Russie, particulièrement depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir. Sept mois, durant lesquels sont apparues des divergences d'ordre capital entre la Russie et l'Occident d'une manière générale. La question énergétique, le statut final du Kosovo, le problème iranien, le bouclier antimissile... Autant de sujets sur lesquels les alliés occidentaux n'ont pu fléchir l'attitude russe. Et ce n'est pas par hasard que le Premier ministre du Kosovo a affirmé, hier, qu'il souhaitait «déclarer l'indépendance du Kosovo le mois de novembre prochain.» C'est précisément au mois de novembre prochain que le préavis légal de l'annonce de la Russie de son retrait du traité sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE) prend fin. En novembre, la Russie ne fera, officiellement, plus partie de ce traité, si les alliés occidentaux demeurent sur leur position actuelle. C'est aussi pourquoi, Vladimir Poutine a déclaré, hier, que «la négociation sur le traité FCE peut être revue à l'automne.» Parallèlement, le secrétaire général de l'Otan a appelé à une conférence extraordinaire avec la Russie, appel rejeté par Poutine. L'Otan faisant fi des réserves de la Russie sur l'installation du bouclier antimissile en Pologne et en Tchéquie, a adopté définitivement ce projet, la semaine dernière. Derrière ce «jeu de quilles» engagé par les Occidentaux, Poutine sait qu'il joue l'avenir de son pays. Son atout? Le fameux partenariat stratégique qui le lie à l'Europe. Partenariat qui englobe, en particulier, la coopération économique; les domaines; des libertés, sécurité et justice; la sécurité extérieure et, depuis 2005, des accords sur la sécurité énergétique. Sur chacun de ces espaces de coopération, Moscou dispose d'avantages non négligeables, voire décisifs, tel celui lié au secteur de l'énergie. Le président russe multiplie, ces derniers jours, les contacts avec les pays sur lesquels il peut compter. Jeudi et hier, Poutine a invité ses voisins et alliés traditionnels à des retrouvailles en Russie. Les présidents finlandais et hongrois ont assisté au festival finno- ougrien (qui met en relief la culture des minorités finlandaise et hongroise vivant en Russie). On se doute bien que ce n'est pas seulement le besoin de «festoyer» qui a réuni les trois pays. C'est aussi l'occasion pour le président russe de rappeler aux alliés occidentaux que la puissance russe n'est pas encore «finie», comme le laissent supposer les médias et politiques d'Occident. Moscou demeure, au-delà de son avantage énergétique, la deuxième puissance militaire et nucléaire. C'est dire combien la crise diplomatique qui secoue les relations de la Russie avec ses voisins occidentaux, ne se réduit pas à la seule raison de la mort, dans des conditions très floues, d'un ex-agent du KGB, passé à l'Ouest.