La déflagration a été entendue par tous les habitants. Une bombe artisanale d'assez forte intensité a explosé, hier, en fin d'après-midi, près de la Grande-Poste d'Alger, faisant 13 blessés, dont trois grièvement atteints. La déflagration a été entendue par tous les habitants des alentours, faisant même voler en éclats les vitres des fenêtres. Un nuage de fumée, vite dissipé, a baigné Alger, un bref moment, dans le climat des années 1994-95. La forte intensité de la bombe pouvait se vérifier au muret détruit du petit square qui fait face à la Grande-Poste, au palmier déraciné et aux centaines de petits bibelots et fleurs jonchant le sol. Ce petit jardin, qui fait le rond-point entre la Grande-Poste, la rue Didouche et donne accès au sous-sol, sert les après-midi, aux jeunes vendeurs de bibelots, de fleurs et d'objets artisanaux à égayer les lieux. Vers 17h 30, après la visite des lieux par Zerhouni et Ould Abbas, respectivement ministre de l'Intérieur et de la Solidarité nationale, un important cordon de sécurité permettait aux services d'ordre et de sécurité de la police et de la gendarmerie, ainsi qu'à la brigade scientifique de la DPJ de procéder à la collecte des indices et des informations. A l'hôpital Mustapha, service des urgences, on pouvait voir l'effervescence du personnel médical, prodiguant les soins nécessaires aux admis. Toutes les cinq minutes, un blessé léger pouvait quitter le service et sortir, qui claudiquant, appuyé sur des béquilles, qui gémissant des suites d'ecchymoses dues aux éclats de la bombe. Mais il y eut aussi des blessés grièvement atteints. Un homme, d'âge mûr, a été évacué vers 18h, dans une civière vers une ambulance, qui démarre en trombe. Un médecin nous informe que parmi les blessés, il y en a au moins huit qui ont plus de peur que de mal et ne souffrent que de blessures très superficielles. Huit autres présentent des blessures plus sérieuses. Ce sont surtout les yeux et les membres inférieurs qui ont été touchés. Il s'agit de personnes qui ont reçu des débris de bombe de plein fouet, car proches de la déflagration. Cet attentat survient dans un contexte marqué par le bouillonnement politique et peut créer une appréhension effrayante de l'électorat. D'un côté, la poudrière kabyle, après une accalmie de quelques jours, se réchauffe. Les émeutes sociales éclatent çà et là, à Blida et Chlef, et menacent de contaminer d'autres régions. Le terrorisme se déploie à l'Est avec une violence qui effraye les observateurs. Les partis politiques de la mouvance dite démocrate appellent au boycott des législatives et enfin ce climat délétère qui s'installe sournoisement, lentement, dans le quotidien du peuple. C'est dans cet enchaînement qu'est intervenue cette explosion, hier, en plein centre d'Alger. Depuis la première semaine du Ramadan (16 novembre - 15 décembre 2001) et l'attentat de Tafourah, il y eut au moins une vingtaine de bombes désamorcées dans Alger et sa périphérie. Quatre ou cinq ont explosé dans des arrêts de bus, sans toutefois faire de victimes. C'est le cas des bombes déposées dans des sacs et qui ont explosé à La Concorde, à Rouiba et Aïn Taya. Pour le ministre de l'Intérieur, Noureddine Zerhouni, les auteurs de l'attentat visent à perturber le déroulement des prochaines élections législatives. Or, justement, et non pas uniquement les terroristes du GIA, beaucoup de parties, qui restent à identifier, veulent perturber les élections. C'est généralement par facilité et simplisme qu'on pointe un doigt accusateur sur les groupes armés. Par commodité politique, on a fini par s'habituer à cela. Mais toujours est-il que, comme pour l'attentat d'hier, les distorsions de la violence émettent des signaux, certes illisibles et invisibles, mais qui finissent par atteindre leurs destinataires. A décrypter.