Les narcotrafiquants ont délaissé la traditionnelle voie de transit des Caraïbes pour emprunter les ports africains. L'Afrique est-elle en train de se transformer en marché de consommation de la drogue? Dans son dernier rapport annuel, l'Office des Nations unies de lutte contre la drogue et le crime a dressé un tableau noir de la situation. De puissants réseaux de trafiquants ont accentué leurs activités en Afrique orientale pour faire transiter l'héroïne, produite à 90% en Afghanistan vers le continent américain et européen. Les narcotrafiquants ont délaissé la traditionnelle voie de transit des Caraïbes pour des pays comme la Guinée et le pays voisin la Guinée-Bissau avant de remonter la cargaison par voie maritime en empruntant les ports du Sénégal, de la Mauritanie et des Iles du Cap-Vert. L'Europe a connu un développement fulgurant de la consommation des drogues dures. Le rapport de l'Office onusien fait ressortir, clairement, la menace d'une progression de la consommation dans le continent africain. Ce qui prendrait l'allure d'une véritable catastrophe qui «risquerait d'étendre la pandémie de sida avec l'utilisation de drogues par injection». La tendance du trafic international fait ressortir une autre menace: la transformation des habitudes de consommation. En effet, l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) de France, constate qu'il y a un glissement vers la consommation plus large de la cocaïne. Une sorte de «démocratisation» de cette drogue dure, jadis réservée à une certaine couche sociale nantie. Son prix actuel, même s'il reste élevé, 50 euros le gramme, elle est très prisée par les cadres qui dopent leurs capacités professionnelles, les étudiants et les ouvriers. Ce produit connaît un franc succès dans les milieux de jeunes. Les saisies opérées en Algérie, au Sénégal et dans d'autres pays africains, montrent bien que la tendance du trafic est à la hausse. La consommation de drogue et des psychotropes inquiète en Algérie où les saisies par les services de Sûreté ont plus que doublé entre 2005 et 2006. La découverte de plantations de pavot et de cannabis dans différentes région du pays, a confirmé les appréhensions des observateurs et des experts des services de sécurité qui ont attiré l'attention sur la possible transformation de notre pays, en terre de consommation. Les barons de la drogue en Algérie, qui bénéficient de complicités dans les milieux politiques et sécuritaires, tentent d'importer le modèle marocain. La pression exercée par les services de sécurité chargés de la lutte contre la drogue a incité les parrains des réseaux de trafiquants à trouver des solutions. Celle de l'autonomie de production est une option qui a été confirmée par la découverte de plusieurs champs de pavot. Le Maroc, qui reste le premier pourvoyeur du Vieux Continent en cannabis, connaît un léger fléchissement de son marché suite à l'intervention de l'Union européenne pour détruire ses champs de production en octroyant des aides aux paysans afin d'investir dans les récoltes agricoles. Cette nouvelle donne a fait naître des idées dans les esprits bien pensants de la mafia de la drogue qui ont vu, en l'Algérie, une solution de rechange à moindre frais. De par la faiblesse de ses capacités de prévention, de lutte et de l'étendue de son espace terrestre, l'Afrique se retrouve dans l'oeil du cyclone. Pris en tenaille par les narcotrafiquants qui s'approvisionnent à partir du Maroc (cannabis), de l'Afghanistan (héroïne) et de l'Amérique latine (cocaïne), le grand continent devra faire face, souvent avec des moyens dérisoires, à une machine de trafic bien huilée et fortement soutenue. La bataille menée sur le terrain par l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, sous la direction du magistrat Abdelmalek Sayah, et les différents corps de sécurité n'a pas encore dévoilé les véritables cerveaux du trafic. Tant que la dose de kif continue de se vendre facilement dans les quartiers populaires et les places des villages de l'intérieur du pays, on peut craindre pour nos enfants. Les petits dealers pullulent et agissent souvent à visage découvert avant de faire des séjours répétés dans les prisons alors que ceux, qui tirent les ficelles et ramassent les liasses d'argent sale, se meuvent sous des pseudonymes et sobriquets qui les rendent invisibles. De grandes quantités arrivent encore à passer entre les mailles des filets dressés par les services de sécurité pour terminer la course dans les poches de cette jeunesse qui se défonce sur un joint avant de tenter souvent l'aventure sur la grande bleue.