Certains, et c'est une faune nombreuse, se sont spécialisés dans le détournement tous azimuts; détournement de la démocratie, détournement de deniers publics, et maintenant détournement du lait et de la pomme de terre. Quelle relation peut-il exister entre la flambée des prix et la volonté de Madani Mezrag de créer un parti politique? A priori aucune! Et pourtant, lorsqu'on y regarde de près, on voit bien que c'est autour de la question du pouvoir que tout cela est en train de se jouer. Le pouvoir est l'enjeu principal des agitations auxquelles on assiste, que ce soit à gauche, à droite ou au centre, c'est-à-dire, pour respecter la terminologie en usage en Algérie: islamistes, démocrates, trotskistes, tout cela dans le désordre bien sûr. Les sorties de Mme Louisa Hanoune, présentant la défense du secteur public et sa non-privatisation comme une panacée, les promesses du Dr Ould Abbès sur les bienfaits de la solidarité nationale, dont apparemment seul lui est satisfait, sont autant de signes qui ne trompent pas d'un mauvais diagnostic de ce qui se passe en Algérie. A l'autre bout de l'échiquier, ce qui tient lieu de l'Alliance présidentielle est dans le coma le plus profond. Voire! La controverse autour de la disponibilité et du prix élevé de la pomme de terre révèle un autre phénomène: la petite guerre des mots que se livrent à fleurets mouchetés des membres du gouvernement, faisant fi de la solidarité gouvernementale: ainsi, au moment où le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, assure qu'en supprimant la TVA et les taxes douanières, la pomme de terre arriverait dans les assiettes des consommateurs à 25 dinars, son collègue de la Solidarité nationale, le Dr Ould Abbès pour ne pas le nommer, affirme, lui, le contraire: malgré toutes ces mesures annoncées, la pomme de terre coûtera toujours au consommateur, pendant le Ramadhan, 45 dinars. Que révèle cette bisbille sur le prix du tubercule, sinon qu'il y a une concurrence politicienne entre, d'un côté, le FLN (Ould Abbès) et de l'autre, le MSP (El Hachemi Djaâboub). Les milieux informés vont jusqu'à évoquer des dissensions au sein même du FLN entre pro et anti-Belkhadem. C'est la foire d'empoigne. Les remarques qui ont été faites à propos de la pomme de terre pourraient être étendues à la filière lait, qui fait l'objet d'une même improvisation dans la gestion. Pendant ce temps, le président de la chambre agricole signale qu'il n'existe pas de laboratoires spécialisés dans la recherche sur les semences en Algérie, sinon que le seul qui existe est fermé pour des raisons inexpliquées. En tout état de cause, dans le monde entier, la compétition politique entre les partis politiques a pour finalité d'améliorer les conditions de vie des citoyens. Ici, nous avons l'impression, au contraire, que la population est prise en otage. C'est à qui trouvera la meilleure formule qui pénalisera le citoyen, la formule qui lui empoisonnera l'existence. Ce qui veut dire que la démocratie est détournée, comme le fut l'oued à une certaine époque. Certains, et c'est une faune nombreuse, se sont spécialisés dans le détournement tous azimuts; détournement de la démocratie, détournement de deniers publics, et maintenant détournement du lait et de la pomme de terre. Il ne manquait plus que ça. En l'absence d'une opposition forte représentée au Parlement, ce sont les dissensions au sein de l'Alliance présidentielle qui nourrissent la polémique, et font voir des différences d'approche et des divergences parfois de fond sur la manière de gérer le pays, comme si d'aucuns affûtaient leurs couteaux pour des joutes politiques futures. Ceux qui ont posé la question ces derniers temps de savoir à quoi servaient les partis, ont certainement posé la bonne question.