Le blé n'en est plus à faire du yo-yo mais bien le grand écart qui met en souffrance les Bourses de plusieurs pays. Selon les spécialistes, cette envolée inattendue des prix du blé est la conséquence directe des conditions météorologiques. Ces dernières ont, en effet, mis à mal la production céréalière dans plusieurs pays grands producteurs comme le Canada, les Etats-Unis et l'Australie. Evidement, cela a aussi des retombées tout aussi directes sur le portefeuille des Algériens qui payeront sans doute plus cher leur pain si la situation ne s'améliore pas. Cette augmentation «attendue» au vu des péripéties de la production céréalière semble déjà mise en application par certains commerçants qui n'ont pas attendu le «sésame» des autorités pour vendre la baguette de pain à 10 DA. Etant donné que nous importons le blé pour fabriquer notre pain et de la poudre de lait pour produire du lait, il devient évident que l'Algérie n'a aucune prise sur la fluctuation des prix des produits de première nécessité. Mais, il est en revanche possible d'étudier une «bonification», un tant soit peu, des bas salaires pour permettre à la population de faire face à ce soudain surenchérissement des prix touchant nombre de produits de base comme le lait, l'huile, la semoule... Ailleurs, cette augmentation «annoncée» sera effective sous peu. En France, la baguette coûtera plus cher dès septembre indique-t-on dans les milieux spécialisés français. Aux Etats-Unis, où «la farine est devenue très chère», le prix du pain a grimpé de 8,6% en juin. «C'est une part très importante de la fabrication du pain, puisque les ingrédients représentent environ 30% des coûts» de production de la baguette de pain, a indiqué Nicholas Pyle, président de l'Association des boulangers indépendants aux Etats-Unis. De son côté, le géant américain des céréales pour le petit-déjeuner, Kellogg, a relevé, en juillet, de plus d'un tiers l'impact prévu sur ses résultats du coût des matières premières et de l'énergie. Entre 25% et 40% de cet impact en sus, est essentiellement dû au blé. A Chicago, le cours du boisseau de blé (27 kg environ) a terminé à 7,2575 dollars vendredi sur le marché des matières premières. Un record de clôture «historique et absolu» atteint trois fois de suite. Coincée entre une demande vivace et une offre réduite, cette céréale alimentaire de premier ordre n'a quasiment pas cessé de grimper. Les derniers pics «historiques» du blé, pour un contrat à échéance rapprochée, remontaient à mai 1996 et auparavant à 1973. Cette situation a, d'ailleurs, conduit le Japon à réduire fortement ses achats la semaine dernière. Les raisons de cette envolée inattendue résident en une récolte lourdement affectée par des bouleversements météorologiques plutôt sévères, rendant plus chers des aliments de base comme le pain et les pâtes. Cette situation vient frapper de plein fouet les pays à revenus bas ou moyens, où le pain et la semoule constituent l'aliment de base par excellence. Une météo capricieuse s'est manifestée par de fortes précipitations entraînant des inondations en France, Allemagne et Grande-Bretagne. L'excès de pluie à la fin du cycle de culture des céréales a retardé les récoltes, réduit la qualité du blé et menacé la production en Europe où la récolte risque même de pourrir sur pied. Aux Etats-Unis, la situation a été similaire fin juin et en juillet en Oklahoma et au Texas, deux Etats grands producteurs de blé. A l'inverse, la sécheresse n'a pas ménagé les cultures céréalières de Russie, et surtout d'Ukraine, causant une baisse de production sensible de blé dans ces pays. C'est aussi le cas pour le Canada où l'on s'attend à une production de près de 20% inférieure par rapport à 2006, à la suite de la sécheresse en juillet. Un certain répit sur le marché du blé aurait pu venir de l'hémisphère Sud, mais là c'est la sécheresse qui a frappé la graine en pleine croissance en Australie et en Argentine. Aussi «le prix du blé restera-t-il élevé jusqu'à ce que les opérateurs aient une meilleure idée de ce que vont donner les récoltes de ces deux pays» en octobre, au début des moissons, prédit un analyste du marché de Chicago. «Les seules exceptions sont la Chine et l'Inde, pays grands producteurs mais néanmoins grands importateurs aussi, qui ont eu des récoltes plus importantes cette année. Cependant, suite à des problèmes de production en 2006, ces pays continuent d'importer», souligne le même analyste. De son côté le Conseil international des céréales (CIC) a abaissé de 7 millions de tonnes ses attentes, à 607 millions de tonnes les prévisions pour la récolte mondiale. La récente crise financière liée aux difficultés de l'immobilier américain n'a pas aidé le marché à se détendre mais plutôt plombé la plupart des matières premières dont celle du blé plus particulièrement. Les prix élevés du blé n'ont pas réduit la demande pour cette céréale utilisée dans des produits alimentaires de base (pain, pâtes et semoule), qui par ricochet sont devenus plus chers en rognant de nouveau le budget des personnes à bas revenus de par le monde. Difficilement substituable, hormis dans l'alimentation du bétail où il n'est intégré que pour un sixième seulement, le blé est principalement utilisé pour la consommation humaine «chacun veut acheter son pain, même si les prix augmentent». Allons-nous assister à «un rationnement économique, si la situation persiste et atteint un certain point?» s'interroge inquiet, Joe Victor, analyste d'Allendale.