Problèmes sociaux, peur de la fraude, inexistence du mouvement associatif, perte de confiance, autant de causes qui peuvent expliquer l'abstention! On ne pouvait rater cette rencontre avec le président du MSP, Bouguerra Soltani, sans lui poser une question sur la lecture qu'il fait du fort taux d'abstention aux législatives du 17 mai 2007. Notre interlocuteur cite plusieurs causes, telles qu'elles ont été sériées, d'après lui, par le madjliss echoura du MSP. En premier lieu, dit-il, les citoyens ont perdu confiance dans l'action de la classe politique, tous partis confondus. Ils se disent qu'ils n'apportent pas de solution. En plus, il n'y a pas de changement par le vote. En deuxième lieu, les mêmes électeurs ont peur de la fraude, qui a tendance, dit-il, à prendre des proportions effarantes. Sans compter toutes les rumeurs sur la politique des quotas; on aurait affecté à l'avance tel nombre de sièges aux différents partis, et dans ce cas, à quoi pourraient servir un scrutin et le bulletin glissé dans l'urne? En troisième lieu, il y a tous ces problèmes sociaux qui reviennent sur le devant de la scène, la flambée des prix des produits de première nécessité, le chômage qui perdure et la crise du logement qu'on ne parvient pas à régler, malgré tous ces chantiers lancés. «Comment rendre confiance à un Algérien qui n'a pas de travail, âgé de 40 ans et plus, et qui ne trouve pas un toit pour fonder un foyer?» Ajoutez à tous ces facteurs le fait que les maires n'ont aucune prérogative et qu'ils ne peuvent pas contribuer à régler les problèmes sociaux des gens. Le véritable pouvoir de décision est entre les mains des walis et chefs de daïra. Les présidents d'APC en sont réduits à délivrer des extraits de naissance et des certificats de résidence. «Ajoutez à cela, précise M.Bouguerra Soltani, tous ces signes extérieurs de richesse.» Il y a beaucoup d'argent facile et des fortunes qui s'amassent en un clin d'oeil, sans contrepartie, et tout cela amène à se poser des questions sur l'origine douteuse de cet argent et de toutes ces richesses. Et de tous ces biens mal acquis. Ce n'est pas de nature à redonner confiance à des père et des mères de famille qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts et à répondre aux besoins de leur progéniture. Quant aux députés, tous partis confondus, M.Soltani fait remarquer qu'ils sont coupés des réalités du pays et populations. Ils font des promesses démagogiques pendant la campagne électorale, mais une fois élus, ils s'enferment dans la tour d'ivoire du palais Zirout et ne s'occupent plus des problèmes de la cité. Cela aussi, c'est un problème récurrent, conduisant les électeurs à être de plus en plus méfiants à l'égard de toute la classe politique. Quant au mouvement associatif, M.Soltani regrette vivement son absence de structuration et d'activité en Algérie. «Généralement, ce sont les ONG qui alertent les pouvoirs publics sur les dépassements et sur les problèmes auxquels font face les populations. Or, chez nous en Algérie, ça n'est pas le cas.» M.Soltani dira la même chose des partis politiques, qui ne font pas leur travail de proximité et ont déserté le terrain. «Mis à part le MSP, affirme-t-il, les autres partis ont déserté la scène et ont coupé les contacts avec la base.» Pour lui, il y a une culture politique à promouvoir, et pour toutes ces raisons, la société n'a aucun recours. Aucune courroie de transmission entre elle et les pouvoirs publics. «Je plaide, dit M.Soltani, pour le retour à une échelle des valeurs, à la culture d'Etat, du dialogue, de l'Etat de droit.» Quant à la lettre envoyée par le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales aux abstentionnistes, M.Soltani rassure en disant que ces lettres ne visent qu'une seule chose: vérifier l'adresse des électeurs. Pour ce qui est de la fin de non-recevoir qu'a opposée M.Zerhouni à la volonté des anciens membres de l'AIS de fonder un parti politique, M.Soltani estime qu'elle ne se justifie pas. «Dire tant que je suis là, il n'y aura pas la création de tel parti» est pour M.Soltani un déni de justice. La création d'un parti politique obéit aux lois du pays, et non à tel ou tel responsable politique. «La première réponse de M.Zerhouni, qui avait affirmé attendre de voir le dossier, est plus conforme à la loi.» L'Etat ne doit pas agir en fonction des personnes mais en fonction de la loi, et pour lui, la charte votée par le peuple est claire: mis à part les personnes qui ont commis des actes condamnés par la charte, les autres jouissent de tous leurs droits constitutionnels, y compris celui de faire de la politique.