Alors que la France de Nicolas Sarkozy fait la chasse à l'immigration, l'UE prépare un projet à l'américaine en direction des nouveaux immigrants. L'adoption en France, mercredi dernier, par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement autorisant le recours aux tests ADN lors des procédures de délivrance de visas d'immigration pour les candidats au regroupement familial continue de faire des vagues parmi la classe politique de l'Hexagone. Des animateurs du mouvement associatif, dont la Ligue des droits de l'homme et la Cimade, se disent «scandalisés» par ce type d'amendement. Jean-Pierre Dubois, le président de la LDH y voit «une nouvelle étape vers la rupture avec la République» et la juge «profondément discriminatoire et même xénophobe car il y a là une véritable peur de l'étranger». Une culture en vogue en France depuis l'intronisation de Nicolas Sarkozy à la tête de l'Etat français. Tandis que le secrétaire général de la Cimade, Laurent Giovannoni, avertit que «cela peut avoir des conséquences fâcheuses sur le plan diplomatique». Il espère, néanmoins, «que le gouvernement s'opposerait à cet amendement». Pour sa part, le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement, Brice Hortefeux, pense, quant à lui, qu'aucun sujet ne devrait être «tabou». «Au moment, explique t-il, où l'on parle de revalorisation du rôle du Parlement, il me paraît utile et sain que les parlementaires puissent se saisir du sujet pour en débattre». Une liberté d'expression qui ne plait pas à une bonne partie des citoyens français qui craignent de voir la politique de la chasse aux émigrés et aux sans-papiers prendre des allures de drame comme cela s'est passé lors de l'interpellation d'une famille russe en résidence irrégulière. Un jeune de 12 ans avait alors perdu la vie en sautant de la fenêtre de son domicile pour s'extraire des mains des policiers venus arrêter toute sa famille. En outre, les militants des droits de l'homme dénoncent le comportement des autorités policières qui s'évertuent à faire la chasse aux enfants, en résidence irrégulière, aux portes même des écoles. Le ministre français avait réuni et tancé, mercredi, 19 préfets à qui il avait fait des reproches sur «le retard accusé dans la réalisation des objectifs d'expulsion qui leur ont été fixés». Etaient conviés au conclave, les patrons de la police et de la gendarmerie qui sont concernés par l'application, sur le terrain, des mesures «rapides» d'expulsion. Les motivations de cette réunion «express» sont d'ordre politique puisqu'il s'agit de la «remobilisation des troupes» pour réaliser 25.000 expulsions d'ici à la fin de l'année, quelles que soient les contraintes. Un objectif, faut-il le rappeler, puisé dans le programme que s'est fixé le président Sarkozy qui donne une importance toute particulière au respect des engagements pris lors de la campagne électorale qui l'a propulsé à la tête de l'Elysée. Brice Hortefeux célèbre ainsi la préparation du débat sur sa loi d'immigration qui arrive le 18 septembre au Parlement. Un rendez-vous très attendu par la classe politique française qui jugera sur pièce les véritables intentions du nouveau gouvernement en matière d'immigration. Sur un autre registre, l'Union européenne, a adopté, mercredi passé, son troisième rapport annuel sur la migration et l'intégration, qui analyse les mesures prises aux niveaux national et communautaire en matière d'admission et d'intégration des ressortissants de pays tiers. Il est notamment relevé que «l'immigration reste le principal facteur de croissance démographique dans l'UE, et que la plupart des Etats membres connaissent une migration positive nette». Un son de cloche qui vient à contre-courant de la conduite politique menée par le gouvernement français. Dans ce texte, la Commission européenne présentera le rapport pour examen lors de la conférence de haut niveau sur l'immigration légale organisée par la présidence portugaise et qui aura lieu les 13 et 14 septembre. A ce sujet justement, M.Vladimir Spidla, commissaire européen en charge de l'Emploi, des Affaires sociales et de l'Egalité des chances, a mis en exergue le rôle positif de la communauté issue de l'immigration en rappelant que «le marché du travail européen aura besoin, c'est inévitable, de davantage d'immigration». Dans le même ordre d'idées, la Commission européenne proposera à la fin du mois d'octobre, d'après un calendrier pré-établi, un projet de «carte bleue» pour une politique globale «d'immigration qualifiée». Un projet calqué sur le modèle américain de la «carte verte» pour attirer les compétences en matière de main-d'oeuvre qualifiée, issues des pays du tiers monde plus particulièrement. Selon une étude réalisée par des experts de l'Union, «la moitié des immigrés originaires des pays méditerranéens, du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, titulaires d'un diplôme universitaire, résident au Canada et aux Etats-Unis, tandis que l'Europe accueille 85% de ceux qui n'ont pas fait d'études supérieures.» Désormais, il est question en Europe de renverser cette tendance en proposant de créer une «carte bleue européenne» qui donnerait aux nouveaux candidats à l'immigration «le droit de travailler dans un Etat membre pour une période de deux ans, renouvelable». Ces travailleurs devraient être admis sur la base de «critères communs: contrat de travail, qualifications professionnelles et un salaire clairement au-dessus des salaires minimums». Selon les chiffres de l'UE, établis en janvier 2006, le nombre de ressortissants de pays tiers résidant dans l'UE s'élevait à 18,5 millions de personnes, soit 3,8% de la population totale de l'UE, qui avoisine 493 millions de personnes. Un chiffre jugé insuffisant et appelé à être revu à la hausse par le biais de l'application de cette nouvelle politique d'immigration.