Tradition oblige, en Algérie, la liste des bénéficiaires de logements crée l'événement. C'est un peu comme la fin d'un long feuilleton qui n'a que trop duré. Une fin qui, contrairement à la fiction, ruine tous les espoirs des postulants qui ont une fois de plus voulu croire à la transparence de l'opération. L'APC d'El-Achour n'a pas échappé à cette règle. Le 22 août 2001 a été décrété journée de deuil pour les centaines de familles ayant déposé depuis deux ans leur demande de logement. Les listes affichées ce jour-là ont choqué la plupart d'entre elles qui les ont qualifiées de «frauduleuses», car ayant essentiellement profité aux tranches sociales qui ne sont pas dans le besoin absolu, tels des célibataires, des commerçants ou encore des familles non originaires de la commune. Les habitants reprochent ainsi à leur président d'APC d'avoir menti sur le quota attribué à El-Achour «Il nous affirmait jusqu'à début août, n'avoir en sa disposition que trente logements, le jour J, on a réalisé qu'il y avait en fait soixante logements. Dès lors on a compris qu'il voulait nous décourager à déposer les demandes», déclarera une mère de quatre enfants habitant un appartement d'héritage très précaire à El-Achour depuis une dizaine d'années. Cette dernière nous confie que la première commission d'enquête envoyée par le P/APC a précisé dans son rapport qu'il était très urgent d'évacuer la maison «mais il semblerait que cet avertissement n'a pas été pris au sérieux». Parmi les personnes qu'on a rencontrées à l'entrée de l'APC d'El-Achour, on citera le cas de cette femme âgée, fille de chahid, habitant un garage avec sa nombreuse famille. Elle nous avance que son nom a été enlevée de la liste des bénéficiaires à la dernière minute et remplacé par celui d'un jeune célibataire. «L'adjoint au maire m'a assurée jusqu'à la veille du 22 août que mon nom figurait sur la liste et ce n'est que la veille au soir qu'il a été effacé, quand je me suis adressée à ce responsable, il m'a déclaré que je devais être heureuse d'avoir un toit où dormir le soir.» Cette vieille n'est pas un cas isolé, puisque trois autres postulants rencontrés à El-Achour déclarent, eux aussi, avoir été victimes d'un changement établi à la dernière minute sur la liste des bénéficiaires, «l'APC s'est jouée des listes», accusent-ils. Les habitants d'El-Achour n'admettent pas le fait que certains noms ayant bénéficié de logements sociaux lors de l'opération effectuée en 1992 reviennent sur cette dernière liste. Ils parlent aussi de plusieurs bénéficiaires au sein d'un même foyer. «Comme le cas de cette famille dont le père a eu un lot de terrain et les deux frères des logements sociaux». Ils s'estiment lésés et demandent que ces logements soient redistribués aux personnes qui en ont vraiment besoin. A El-Achour, la tension est montée d'un cran. Depuis l'affichage des listes, les postulants lésés se regroupent tous les jours à l'entrée de l'APC. Ils veulent entrer en contact avec «les élus du peuple», mais ces derniers se contentent de leur rappeler le droit à un recours. Le deuxième vice-président de l'APC qui assure l'intérim du président en congé le 22 août 2001, c'est-à-dire le jour où la liste des bénéficiaires de logements sociaux communiquée à la population, s'en lave les mains. Cette indifférence et surtout l'absence du premier responsable de l'APC qualifiée par les citoyens de fuite en avant, ne font qu'aggraver la situation. Les habitants perdent leur self-control, les élus aussi. On citera l'exemple de ce responsable de l'APC qui a lancé dans un moment de colère: «Je donne les appartements à qui je veux»; «vous madame, vous n'avez pas le droit de vous adresser à moi». Les habitants impuissants ne savent pas vers qui se tourner. Ils ont déjà contacté le ministère de la Solidarité, le wali délégué de Draria, mais aussi le wali d‘Alger avant même l'apparition des listes. Contacté par nos soins, le deuxième vice-président de l'APC d'El-Achour réfute les accusations formulées contre son APC par les habitants. Il nous déclare que la commission d'enquête a travaillé nuit et jour depuis neuf mois, cette durée est présentée comme une preuve de crédibilité par ce responsable. «En tant que vice-président chargé de l'urbanisme et de l'aménagement et président de la commission d'enquête, je dirai que ma commission a travaillé correctement et convenablement, c'est ce qui explique le retard qu'elle a pris avant de déposer ses comptes rendus». Les postulants ne sont pas de cet avis, estimant que ce retard est dû, en fait, aux changements opérés à plusieurs reprises sur la liste des bénéficiaires. Notre interlocuteur dément aussi avoir distribué des appartements à des personnes n'habitant pas la commune et répond à ceux qui «prétendent être exclus de la liste des bénéficiaires» par le fait qu'ils ont dû sûrement mal interpréter ses déclarations. «La liste n'est pas frauduleuse, peut-être qu'on s'est trompé sur une ou deux personnes, l'erreur est humaine», argue-t-il. En évoquant le sujet des soixante logements, ce dernier nous explique que l'APC a affiché deux listes composées chacune de trente bénéficiaires. La seconde est additive et les personnes y figurant ne sont pas sûres de recevoir des logements. Mais il revient après sur sa déclaration pour nous affirmer que le président a décidé d'augmenter le quota, après la promesse faite par le wali d'Alger, de trente logements supplémentaires. Les habitants d'El-Achour ne sont pas près de baisser les bras. Ils attendent les résultats des recours pour décider de l'action qu'ils doivent mener.