Pour ne point changer, le Sommet arabe s'est ouvert, hier, à Beyrouth, en l'absence de certains ténors et autres outsiders arabes. Vu d'Alger, le Sommet arabe, qui a entamé ses travaux hier, dans la capitale libanaise, amputé de la majorité des souverains et chefs d'Etat arabes, apparaît bien anodin et ses perspectives bien compromises. Annoncé comme historique, le sommet de Beyrouth présente aujourd'hui, par un curieux retournement de situation, tous les éléments pour devenir le bide du siècle ! Car, l'effet d'annonce aidant, la présence en force à Beyrouth des médias internationaux et de personnalités aussi représentatives que le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, le président en exercice de l'Union européenne, le chef du gouvernement espagnol, José-Maria Aznar, confortée par d'autres observateurs internationaux, faisait de ce sommet le rendez-vous à ne pas manquer par les Arabes qui, encore une fois, avaient à faire valoir leur crédibilité. En foi de quoi, c'est à une cascade d'absences, pour ne point dire de démissions, que le Sommet a été confronté avant même de commencer! Sérieux les Arabes? Allons donc! Ces absences conjuguées sont par ailleurs un affront pour les Palestiniens. Que Arafat, à son corps défendant, n'ait pu venir à Beyrouth défendre la cause de son peuple, est compréhensible face aux pantalonnades du criminel Ariel Sharon, mais le renoncement à se présenter au sommet, pour d'autres responsables arabes, demeure sans explication, voire infondé. C'est notamment le cas du président égyptien Hosni Moubarak, du roi jordanien, Abdallah II et de l'émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al Thani ; ne serait-ce que du fait que le premier représente l'un des pays leaders du monde arabe, le second en tant que président en exercice du sommet arabe, (le dernier en date s'étant déroulé à Amman) le troisième enfin comme président en exercice de l'OCI (Organisation de la Conférence islamique). Leur présence aurait, il ne fait pas de doute, conféré un autre poids et une autre dimension aux décisions qui seront -ou vont être - prises par le Sommet arabe de Beyrouth, notamment pour ce qui est de l'adoption de l'initiative de paix saoudienne. Moubarak, par sa présence, aurait apporté le poids spécifique de l'Egypte, Abdallah II l'adhésion du monde arabe alors que l'émir Khalifa Al Thani garantissait la caution du monde musulman. L'absence de Mouamar El Gueddafi, homme imprévisible, était dans l'air du temps et à tout le moins prévisible, le dirigeant libyen ayant, de longue date, habitué à ne rien faire qui entre dans les normes Pour des raisons d'humeurs, ou pas loin du «lèse-majesté» des dirigeants arabes ont décidé de laisser inoccupé leur fauteuil dans un Sommet arabe, que d'aucuns disaient sortir de l'ordinaire et, sur lequel était braquée l'opinion mondiale. Sérieux les dirigeants arabes? Lorsque chacun voit les choses à partir de sa petite lorgnette, voire sa petite personne? Que dire alors de la première version (il fut annoncé ensuite que M.Moubarak ne s'est pas déplacé à Beyrouth pour des raisons internes sans autre précision) de l'explication fournie par les Egyptiens à l'absence de Hosni Moubarak, et selon laquelle, le président égyptien a décidé de boycotter le Sommet de Beyrouth en signe de solidarité avec Yasser Arafat, empêché, comme on le sait, de sortie de Ramallah, par le boucher Sharon. Vous avez dit immature? Allons donc! Du coup, au lieu de se concentrer sur le projet de paix saoudien, les médias internationaux ouvraient, hier, sur les absences remarquées de certains dirigeants arabes. Ainsi, les abstentionnistes ont-ils volé la vedette au Sommet et à un document (l'initiative saoudienne) qui pouvait, et est même appelé à, constituer un tournant dans le conflit israélo-arabe. N'est-ce pas Ibn Khaldoun qui affirmait, déjà, voici près de deux siècles, que les Arabes se sont entendus, une fois pour toutes, pour ne s'accorder sur rien et de ne s'entendre sur aucun projet? Une prophétie qui se vérifie, hélas, chaque jour !