Cette vérité cinglante est constatée, voire confirmée, jour après jour. La grille des salaires des travailleurs de la Fonction publique vient de remettre en cause la raison d'être des syndicats en Algérie. L'adoption par le gouvernement de la grille des salaires sans prendre en compte les propositions des syndicats ne fait qu'élargir le fossé entre les deux parties. Pis encore, elle vient confirmer une vérité on ne peut plus amère: en Algérie les syndicats sont considérés comme la cinquième roue de la charrue. Cette vérité cinglante s'est confirmée dès l'adoption de la grille des salaires. Ce qui n'a pas manqué de susciter le courroux des syndicats autonomes. Le temps est à la dénonciation. «Les pouvoirs publics n'ont pas pris la peine de demander l'avis des principaux concernés par la question, les travailleurs», protestent les syndicalistes. Aussi, du tac au tac, six syndicats autonomes signent une déclaration commune dans laquelle ils «condamnent avec vigueur l'exclusion des véritables partenaires sociaux du processus ayant conduit à l'élaboration de ce nouveau système». Lesdits syndicats estiment que la grille des salaires «présentée comme la panacée des revendications socioprofessionnelles des fonctionnaires» n'est en fait «qu'un simple jeu d'écriture comptable aboutissant à une augmentation destinée à être engloutie par l'inflation galopante». Ainsi, de par cette décision, le gouvernement semble se transformer en un électron libre ne se souciant guère du rôle que les syndicats peuvent jouer dans la prise des décisions. Les travailleurs de la Fonction publique craignent la reproduction du même scénario avec le statut particulier, dont la finalisation interviendra vers la fin du mois prochain. Certes, les différents secteurs ont demandé aux syndicats de formuler leurs propositions. Ces suggestions seront-elles considérées à leur juste valeur? De toute façon, les syndicats que nous avons contactés hier ne cachent pas leurs doutes. «Le directeur du personnel de la Fonction publique nous a remis, lors de la journée d'étude organisée hier (dimanche, Ndlr), un document relatif au statut particulier de la Fonction publique. Nous avons étudié les propositions. Reste maintenant à savoir si nos suggestions seront prises en compte», a déclaré M.Hamraoui, chargé de la communication auprès du Cnapest (Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique). Certains observateurs estiment qu'en organisant cette journée d'étude, à laquelle étaient conviés la plupart des syndicats de l'éducation nationale, la tutelle aspire à refroidir le chaudron qui est déjà en ébullition. Une grève générale est, d'ores et déjà, annoncée pour le 6 octobre prochain. Le Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes) menace lui aussi d'enclencher un mouvement de grève pendant les journées des 20, 21 et 22 octobre prochain. Dans cette atmosphère électrique, le Syndicat national des praticiens de la santé publique (Snpsp) se jette dans l'arène. Ce syndicat dénonce «vigoureusement le bâclage du statut de la Fonction publique et son corollaire, la grille des salaires». Pour le Snpsp, «la grille des salaires ne répond nullement aux revendications et aux espérances des travailleurs de la Fonction publique». Ainsi, de par ces décisions que d'aucuns estiment de dangereuses, les pouvoirs publics ressemblent de près à celui qui tente d'éteindre le feu à coup d'éventail. Ce cas est constaté notamment dans l'université. Le Conseil national des enseignants du supérieur a, dans sa dernière déclaration, estimé que le ministère de la tutelle l'a berné. «Ces mesures sont en totale contradiction avec la volonté affichée par la tutelle -réexprimée à plusieurs fois- pour une sérieuse prise en charge des doléances des enseignants du supérieur en particulier, et des travailleurs de la Fonction publique en générale», a indiqué le premier responsable du Cnes, M.Rahmani. A se demander maintenant le rôle des syndicats en Algérie et la place qu'ils occupent réellement aux yeux des pouvoirs publics. L'interdiction de tout mouvement de protestation et de toute grève (pourtant c'est un droit préservé par la Constitution) en est peut-être la réponse.