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L'inévitable choc frontal
LE GOUVERNEMENT MENACE ET LES SYNDICATS MAINTIENNENT LEUR GRÈVE
Publié dans L'Expression le 24 - 02 - 2008

Dans la crise qui oppose les syndicats au gouvernement, il y a certainement une partie qui ne fait pas ce qu'elle dit, ou dit ce qu'elle ne fait pas.
Face à la spirale des contestations sociales, le gouvernement panique. Et donne l'impression que la situation lui échappe complètement. Au lieu d'apaiser les esprits, il contre-attaque. Il accuse, au moment où les syndicats appréhendaient l'amorce d'un dialogue sérieux. Hier, Abdelaziz Belkhadem a décidé de sortir de sa réserve pour accuser, sans équivoque, les protagonistes de la fronde qui prend de plus en plus d'ampleur, purement et simplement, «d'agitateurs». Il a décidé d'agir par le biais d'un communiqué de presse répercuté par l'APS.
Le style choisi par les rédacteurs fait craindre le pire. D'abord, l'Exécutif a commencé par relever ce qu'il qualifie, «d'agitation infondée» dans certains milieux de la Fonction publique. «Depuis quelque temps, une agitation infondée est constatée dans certains milieux de la Fonction publique, prenant en otage les usagers des services publics et, plus grave encore, nos enfants dont l'innocence est instrumentalisée à des fins peu glorieuses», précise le communiqué des services du chef du gouvernement.
L'on ignore la nature de ces «fins peu glorieuses», sachant qu'elles n'ont pas été clarifiées dans le communiqué. Mais, à titre de rappel, le gouvernement a toujours mis en relief l'influence des partis politiques de l'opposition sur les syndicats autonomes.
C'est la raison invoquée pour argumenter le refus d'agréer certains d'entre eux. Le communiqué des services du gouvernement surprend plus d'un, pour deux raisons principales. D'abord, Abdelaziz Belkhadem, dans un geste apprécié par plusieurs syndicats, a démontré, quelques jours auparavant, une grande disponibilité au dialogue avec les partenaires sociaux. Qu'a-t-il changé depuis? Belkhadem a-t-il lancé cet appel dans la perspective d'acheter une paix sociale? Ensuite, le timing choisi pour la publication de ce communiqué risque, selon les observateurs, d'engendrer l'effet contraire et d'envenimer un climat social déjà très tendu. Qualifier «d'agitateurs» les syndicats de la Fonction publique à 24 heures de la grève de trois jours, est considéré comme une «provocation» que le gouvernement et le front social gagneraient à ne pas en faire les frais. Pourquoi cette soudaine montée au créneau? Belkhadem ne le dit pas clairement, mais laisse entendre que la fronde sociale menée par la Coordination de la Fonction publique vise à parasiter le Programme du Président. Cette «agitation» intervient, selon le communiqué, au moment où «le gouvernement, sous la direction du Président de la République, déploie d'intenses efforts pour moderniser l'Etat, faire émerger une administration impartiale et performante au service du citoyen (et) promouvoir la culture du service public fondée sur l'exigence d'intégrité, d'efficacité, d'efficience et de compétence». Les «efforts» du gouvernement tendent aussi à «consolider la bonne gouvernance à travers, entre autres, l'adoption du statut général de la Fonction publique qui, il faut le rappeler, était en souffrance depuis plus de 16 ans».
Selon les services du chef du gouvernement, cette agitation se nourrit de l'application de la nouvelle grille des salaires «dont l'adoption entre dans le cadre d'un processus mûrement réfléchi et planifié». L'opération qualifiée d'«envergure», implique, selon la même source, l'adoption de 70 décrets dont «une partie a déjà fait l'objet de publication au Journal Officiel», expliquant qu'il s'agit plus particulièrement de quatre décrets présidentiels concernant le nouveau système de classification et de rémunération des fonctionnaires et agents publics. Il s'agit aussi, a-t-on ajouté, de deux décrets exécutifs ayant consacré le statut particulier des corps communs ainsi que celui des ouvriers professionnels.
Le gouvernement persiste et signe que les quarante statuts particuliers «sont en cours de conception et d'élaboration», avec la participation des partenaires sociaux. Dans la crise qui oppose syndicat au gouvernement, il y a certainement une partie qui ne fait pas ce qu'elle dit, ou dit ce qu'elle ne fait pas. Et pour cause. A l'origine du mouvement de protestation qui ronge plusieurs secteurs, à en croire les syndicats, il y a cet entêtement de l'Exécutif «à exclure les partenaires sociaux du dialogue». Qui dit la vérité? Considérant le dossier comme étant «complexe», le gouvernement, ajoute le communiqué, a fait un effort supplémentaire en signe de «bonne volonté» et en vue de juguler la fronde sociale. Cela se fera à travers une «translation transitoire des grades actuels dans la nouvelle grille des salaires», affirmant, à ce titre, que «le contrôle de la direction générale de la Fonction publique s'exercera a posteriori. La même source relève que cette mesure présente l'avantage de faire bénéficier rapidement l'ensemble des fonctionnaires de la rémunération découlant de la nouvelle grille sans attendre la finalisation et l'adoption de tous les statuts particuliers.
Un décret vient d'être signé dans ce sens. «Les fonctionnaires bénéficieront des salaires calculés sur la base de la nouvelle grille, à compter du 1er janvier 2008 et qu'ils percevront les rappels qui leur sont dus», a-t-on rassuré. Mais voilà que les syndicats et les juristes ont vivement contesté cette démarche jugée «illégale.» Les mises en garde du gouvernement risquent de jeter de l'huile sur le feu. Une affaire à suivre.


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