Les routes pour la France deviennent de plus en plus difficiles à emprunter. Or, en matière de visa, la présomption d'innocence devrait aussi exister. Ils sont nombreux, ces candidats à l'immigration qui croient en l'illusion d'une existence plus digne en France. Peut-être plus nombreux encore ceux qui, malgré une situation confortable, ou le désir sincère d'une virée passagère, se voient refuser un visa. Certes, le gouvernement français peut justifier les barrières administratives qu'il dresse, par crainte d'une immigration frauduleuse, mais comment peut-il expliquer les difficultés que rencontrent des cadres, commerciaux et tous ces gens qui jamais, au grand jamais, ne voudraient émigrer, mais cherchent seulement à partir ponctuellement de l'autre côté de la Méditerranée? Ceux-là n'aspirent pas à l'exil, mais à l'escapade touristique, à la rencontre familiale ou au voyage professionnel. Si, en juin 2007, l'ambassadeur de France à Alger avait promis de «continuer à améliorer l'octroi des visas», notamment pour les hommes d'affaires ou les scientifiques, cette promesse sonne aujourd'hui pourtant bien creuse. Les Algériens sont aujourd'hui las. Pour la responsable d'une entreprise algéroise, spécialisée dans la confection de vêtements de travail, l'envie de partir s'est dissoute: «Je voulais aller en France dans un cadre professionnel, voir sur le marché français comment cela fonctionne et, pourquoi pas, y introduire mes vêtements, raconte-t-elle. J'ai même eu une invitation commerciale! Mais ils m'ont refusé le visa.» Non seulement ils -c'est-à-dire cette machinerie administrative qui ne daigne pas donner ses raisons- le lui ont refusé, mais ils ont gardé le chèque de 6000DA glissé dans le dossier pourtant bien ficelé. «J'ai ici ma maison, mon travail, mes enfants, vous me voyez aller là-bas pour y gagner le RMI? Ils mettent tout le monde dans le même sac!», s'indigne-t-elle encore. D'autres, refoulés après avoir demandé un visa pour du tourisme, préfèrent désormais aller admirer les pyramides de Gizeh, plutôt que de photographier la Tour Eiffel. Ils rêvent sans doute d'arpenter la Ville Lumière, mais la France restera une ombre, à force de refuser ces visiteurs pourtant légitimes. De jeunes médecins, pharmaciens, ingénieurs se tournent désormais vers le Maroc ou la Tunisie pour y passer leurs vacances. «Je voulais aller voir des amis et découvrir la France par la même occasion, mais c'est si difficile d'obtenir un visa que j'ai abandonné...», soupire un producteur algérois. La France refuse des personnes qui, non seulement, jouissent d'une bonne situation ou s'invitent en toute innocence, mais produiraient même un bénéfice en injectant dans l'économie française leurs dépenses de vacances. Les forums Internet regorgent de tirades à l'encontre de ce pays hostile aux mieux intentionnés. Dans une «Chronique d'une demande de visa pour la France», un jeune de la banlieue d'Alger décrit sa longue bataille pour décrocher un visa. S'il l'a finalement obtenu, après 10.000DA de dépenses et des heures perdues, c'est grâce, semble-t-il, à une obstination quasi sacrificielle. «Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle?», s'interroge-t-il, amer, en y ajoutant une question qui résume parfaitement le vrai problème: «Le gouvernement français, avec tous les moyens humains et matériels dont il dispose, ne peut-il filtrer les candidatures à l'immigration clandestine en amont?» Tous les Algériens ne peuvent être de présumés «harragas». «Plus on est sûr qu'un Algérien qui obtiendra un visa reviendra dans son pays, plus on donnera de visas», avait estimé Bernard Bajolet, l'ambassadeur de France à Alger. Certes, on ne peut jamais être pleinement sûr, mais il faut trouver les solutions adéquates, pour que la méfiance ne ponde pas toutes ces injustices. En matière de visa, la présomption d'innocence devrait, elle aussi, exister.