Que compte donc faire le gouvernement pour tirer au clair les opérations d'importation de la pomme de terre? Sommes-nous face à un scandale? Le feuilleton de la pomme de terre avariée qui alimente le débat public ces derniers jours, n'en finit pas. Des dizaines de tonnes de ce tubercule impropre à la consommation, importées du Canada ou de Turquie, sont vendues en toute impunité sur le marché. Pas moins de 40.000 tonnes sur les 100.000 prévues ont déjà été importées. Cependant, leur qualité laisse à désirer. Qu'est-ce qui aurait donc favorisé un tel trafic à grande échelle? Une tel crime aurait-il été possible si les services du ministère du Commerce n'avaient pas fait dans l'improvisation? Sans doute non, sauf que, en sus d'éventuelles complicités, les importateurs ont profité de la décision de supprimer les droits de douane et de la TVA sur les opérations d'importation de la pomme de terre, des importateurs avides de gain facile qui ont investi le créneau. D'énormes quantités de pommes de terre juste bonnes pour nourrir le bétail sont ainsi mises sur le marché. Un véritable «gâchis», voire même un crime contre l'économie nationale. En effet, chaque jour les services de contrôle découvrent des dizaines de tonnes de pomme de terre impropres à la consommation. Au moment où d'autres quantités sont écoulées sur le marché au vu et au su des mêmes services chargés du contrôle. A l'est, à l'ouest, comme au centre du pays, le phénomène prend de l'ampleur. Les quantités découvertes au cours de ce mois de Ramadhan ne sont en réalité que la face visible de l'iceberg. Citons quelques exemples: 10 tonnes de pomme de terre pourries ont été saisies au marché de gros des Eucalyptus. Au port d'Alger, plus de 3000 tonnes du même produit, importées de Turquie ont été saisies. La déclaration a été faite par le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, en marge de la rencontre qui a regroupé la semaine dernière le chef du gouvernement et les opérateurs économiques au siège de la Caci à Alger. Au niveau du port d'Oran, 20 tonnes de pommes de terre avariées ont également été saisies, révèle la direction du commerce de la wilaya. Dans la même wilaya, la spéculation sur le produit prend des proportions inquiétantes. Pas moins de 150 tonnes de pomme de terre stockées dans les chambres froides ont été saisies, il y a quelques jours à Oued Tlelat à Oran. Ces quantités saisies ne représentent certainement que la partie soumise aux investigations des services de contrôle. Comment ces mêmes quantités passent-elles les ports sans le moindre contrôle phytosanitaire? Si contrôle il y a, pourquoi le ministère du Commerce n'a-t-il pas pu maîtriser le cheminement de la marchandise, initialement destinée à casser les prix exorbitants de la «patate» locale, alors que cette marchandise semble être récupérée par les spéculateurs avant même qu'elle ne soit enregistrée? Ce qui peut expliquer le fait que les prix, toujours à la hausse, n'ont pas bougé d'un centime. Le kilogramme du légume «précieux» continue d´osciller entre 60 et 65 dinars. Le sujet a d'ailleurs relégué au second plan tous les autres dossiers d'actualité. Sommes-nous devenus une république «patatière»? Arriver jusqu'à créer un office national de la pomme de terre avec tout ce que cela implique comme dépenses inutiles, renseigne sur l'incapacité des autorités publiques à mettre en place de véritables services de contrôle et de régulation du marché. D'ailleurs, l'installation dudit office est révélatrice de défaillances dans tout le processus d'importation et de distribution de la pomme de terre. Ainsi, au moment où les responsables du secteur se refilent la patate chaude, le consommateur lui, paie la facture salée. Que compte donc faire le gouvernement pour tirer au clair les opérations d'importation de la pomme de terre? Une enquête s'impose. Les députés doivent interpeller le gouvernement, qui aura à s'expliquer sur les tenants et aboutissants de cette affaire. Quel est l'organisme chargé de l'importation de ce tubercule? Celui-ci a-t-il fait un appel d'offres en bonne et due forme? La pomme de terre a-t-elle fait l'objet d'un contrôle de la qualité? L'Algérie est-elle devenue un dépotoir, pour marchandises impropres à la consommation émanant de filières organisées?. La réponse est évidente, au vu des produits de toutes sortes importés via des réseaux maffieux et qui sont par la suite vendus en Algérie. C'est le cas des médicaments et produits agroalimentaires en phase de péremption et qui, au lieu d'être incinérés dans leur pays d'origine, sont vendus à certains importateurs sans foi ni loi.