L'Algérie est-elle devenue un dépotoir pour marchandises impropres à la consommation émanant de filières organisées? Sur les 66.000 tonnes importées à la fin du mois d'octobre dernier sur les 100.000 prévues, plusieurs dizaines de tonnes étaient avariées. Epilogue. Le feuilleton de la pomme de terre avariée qui a alimenté le débat public ces derniers temps livre ses premiers secrets. L'agence canadienne d'inspection des aliments vient de confirmer l'exportation de pomme de terre infectée par la maladie de la pourriture bactérienne circulaire vers l'Algérie. Précisions: la pomme de terre exportée vers l'Algérie s'est faite de la province du Québec et non de celle de l'Ile-du-Prince-Edouard comme annoncé auparavant. Ces affirmations «descendent» en flammes les assurances avancées par l'ambassade du Canada à Alger qui avait, dans un communiqué, affirmé que la pomme de terre exportée vers l'Algérie était de bonne qualité. Le 10 octobre dernier, la représentation diplomatique canadienne avait, après que 10 tonnes de ce tubercule contaminé eurent été saisies au marché de gros des Eucalyptus près d'Alger, expliqué que la pomme de terre vendue sur le marché algérien était de bonne qualité, avant de remettre en cause les conditions de stockage en Algérie. «Le cas des dix tonnes saisies a été imputé au mauvais entreposage d'un acheteur, ce qui a provoqué de la pourriture et la saisie du lot incriminé, comme l'ont récemment signalé différents articles de presse. Cette saisie ne doit pas entacher la réputation de la pomme de terre canadienne, d'autant plus que la demande est toujours très forte pour notre produit et que près de 20 000 tonnes ont été vendues à la satisfaction des acheteurs», soulignait le communiqué de l'ambassade. Cette dernière avait annoncé l'organisation de séminaires pour faire connaître les qualités de la pomme de terre canadienne aux Algériens. Cette version des faits a été déjà remise en cause, jeudi, par le ministre de l'Agriculture de la Province canadienne de l'Ile-du-Prince-Edouard. Selon un député de cette province, les pommes de terre exportées vers l'Algérie sont atteintes d'une maladie appelée «bacterial ring tot» une pourriture bactérienne circulaire. Une maladie qui nécessite, selon les experts, la mise en quarantaine de la cargaison et du bateau qui la transporte. Selon les médias canadiens ayant rapporté l'information, les parlementaires de l'opposition ont révélé que le gouvernement canadien était au courant de cette exportation sans pour autant intervenir pour empêcher la transaction. Mais, ce qui est encore plus scandaleux c'est le silence radio des autorités algériennes sur un problème concernant la santé publique. La presse nationale dans son édition d'hier a fait étalage de la «filouterie» dont aurait été victime le consommateur algérien. Pour rappel, l'importation de cette pomme de terre a été autorisée dans le but de faire face à la pénurie de ce tubercule constatée sur le marché local. Aussi, pour encourager cette solution, le gouvernement a opté pour le démantèlement des taxes douanières et la TVA sur l'importation de la pomme de terre durant la période allant du 1er juillet au 31 octobre derniers. En effet, sur les 66.000 tonnes importées à la fin du mois d'octobre dernier sur les 100.000 prévues, plusieurs dizaines de tonnes étaient impropres à la consommation. Quant à la qualité de la marchandise importée, le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, a admis que celle importée «est de mauvaise qualité par rapport au produit local.» Pourtant, rien n'a été fait pour stopper l'«arnaque» dont est victime l'Algérie. Mais qu'est-ce qui a favorisé un tel trafic à grande échelle? Une telle «arnaque» n'aurait pas été possible si les services du ministère du Commerce avaient dépêché, sur les lieux, une équipe de contrôle. Y-a-t-il complicité? Tout porte à le croire d'après l'ancien chef de gouvernement et secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia. Celui-ci affirmait sur les ondes de la Radio nationale: «il ne faut pas non plus oublier que des lobbies travaillent à mettre le feu au pays. Il n'y a qu'à voir la question de la pomme de terre, où plus de la moitié des importateurs sont des trafiquants et leur marchandise le prouve.» Sur un autre plan, il est permis de se poser la question: que font les services de contrôle phytosanitaire au niveau des ports? Sommes-nous devenus une République «patatière»? La création de l'Office national de la pomme de terre, avec tout ce que cela implique comme dépenses inutiles, nous donne raison et renseigne sur l'incapacité des autorités publiques à mettre en place de véritables services de contrôle et de régulation du marché. L'Algérie est-elle devenue un dépotoir pour marchandises impropres à la consommation émanant de filières organi-sées? La réponse est évidente, au vu de produits de toutes sortes importés via des réseaux maffieux et qui sont, par la suite, vendus en Algérie.