Les chefs de la diplomatie arabe se sont réunis hier à Beyrouth. Cette réunion des ministres arabes des Affaires étrangères devait, selon des indications de participants arabes, peaufiner l'ordre du jour très chargé - une cinquantaine de résolutions sera soumise pour adoption aux souverains et chefs d'Etat - du XIVe Sommet arabe. Un sommet déjà marqué, avant même son ouverture, par l'initiative saoudienne de sortie de crise au Proche-Orient laquelle a éclipsé quelque peu les autres sujets prévus à l'ordre du jour. Quoiqu'il n'eût été divulgué que dans ses grandes lignes, il ne fait pas de doute que le projet saoudien sera endossé dans sa globalité par le Sommet arabe. Adoption qui lui donnerait la dimension d'un engagement arabe auprès de la communauté internationale. Contrairement au précédent de 1982 quand le prince héritier Fahd, - aujourd'hui roi d'Arabie Saoudite -, échoua à faire avaliser par le Sommet arabe de Fès un plan de paix saoudien en huit points, le prince héritier Abdallâh a pris la précaution de lancer son idée en guise de ballon sonde pour voir d'où souffle le vent. L'accueil conciliant des Arabes, appuyé par celui favorable de la communauté internationale, a sans doute décidé du sort de ce qui n'est, jusqu'à ce jour, qu'une initiative saoudienne qui demande à être enrichie et adoptée par le Sommet arabe pour lui conférer le cachet de l'officialité. Mais, entre-temps, la Ligue des Etats arabes, en organisant plusieurs débats autour de la proposition du prince héritier saoudien, parvenait à lui donner un contenu consensuel prenant en compte les réserves émises par des Etats arabes, notamment par la Syrie directement concernée par une éventuelle application de ce plan de paix arabe. En effet, les Syriens réfutaient le terme de «normalisation complète» laquelle, selon eux, ne pouvait intervenir qu'après accord de paix et de gouvernement à gouvernement. En revanche, une «paix globale» offerte aux Israéliens contre «un retrait total» reflèterait mieux la situation prévalant sur le terrain. Aussi, la formule aujourd'hui mise en avant «un retrait total contre une paix globale» est plus en phase avec les revendications arabes en général, palestiniennes particulièrement. De fait, c'est le principe même fondant les accords de paix israélo-palestiniens d'Oslo de 1993 les territoires contre la paix qui est ainsi repris par l'initiative saoudienne. Le reste n'est qu'une question de présentation d'une exigence qui était déjà celle, en 1967, du Conseil de sécurité de l'ONU qui requit de l'Etat hébreu de se retirer des territoires arabes occupés lors de la guerre des Six-Jours de 1967. Reste maintenant à en convaincre les gouvernants israéliens lesquels ont toujours refusé de s'exécuter et de mettre en application un impératif - le retrait israélien des territoires arabes - que la communauté internationale s'accorde à reconnaître comme une condition sine qua non du retour de la paix dans la région du Proche-Orient. L'initiative saoudienne n'est qu'une autre tentative d'amener les Israéliens au compromis pour l'instauration d'une paix qui assurera la sécurité à tous les peuples de la région. C'est du moins dans ce sens que la comprennent les Arabes, car, selon un diplomate, «il n'y avait pas mieux qu'une offre sérieuse comme celle-ci, venant, qui plus est, de l'Arabie Saoudite, pour démasquer le vrai visage d'Israël, un Etat qui ne veut pas la paix». Cependant, l'opposition d'Israël à une paix négociée juste est connue depuis longtemps, comme en témoigne l'échec du processus de paix de 1993 dont le gouvernement de Tel-Aviv porte l'entière responsabilité par son refus d'honorer l'ensemble des engagements (redéploiement de l'armée israélienne) souscrits par Israël dans le cadre des accords d'Oslo. Tant que la communauté internationale, et plus singulièrement les Etats-Unis, n'a pas pris acte de la responsabilité d'Israël dans la perpétuation du conflit au Proche-Orient, et qu'elle ne fait pas pression sur Tel-Aviv pour que celle-ci se conforme aux résolutions et accords de paix, il serait vain d'attendre un pas dans le bon sens de la part des actuels dirigeants israéliens. A la veille de l'ouverture du XIVe Sommet arabe de Beyrouth, subsiste l'interrogation de savoir si le président palestinien Yasser Arafat aura, ou non, la possibilité d'assister à ces travaux. Il va sans dire qu'une adoption arabe de l'initiative saoudienne n'aura pas de sens en l'absence des principaux concernés, les Palestiniens et du président de l'Autorité autonome palestinienne. En tout état de cause, les responsables palestiniens, qui se sont exprimés ces derniers jours, ont tous réitéré qu'aucun texte adopté en l'absence de la Palestine et de M.Arafat n'aura de valeur aux yeux des Palestiniens. Aussi, la présence de Yasser Arafat à Beyrouth devient, au fil des heures précédant l'ouverture du Sommet, une des préoccupations majeures des délégations arabes présentes dans la capitale libanaise. A juste raison, les Palestiniens réclament des garanties de la part de la communauté internationale pour que le président palestinien se déplace à Beyrouth. En effet, le ministre palestinien chargé du dossier d'El-Qods, Ziad Abou Ziad, a affirmé hier: «Le président Arafat n'assistera pas au sommet arabe sans des garanties internationales empêchant Israël de mener des activités mal visées qui l'empêcheraient de retourner (à Ramallah)», insistant: «Washington devrait apporter cette garantie, parce qu'Israël dépend de la politique de Washington, et la suit, et si Washington s'engage, alors Israël respectera cet engagement.» Dans les territoires occupés, la situation demeure toujours aussi indécise, alors que le médiateur américain, Anthony Zinni, fait le forcing pour parvenir à un compromis de cessez-le-feu entre les deux parties. Celles-ci devaient donner une réponse lors de la cinquième réunion, dans la soirée d'hier, de la commission mixte israélo-palestinienne de sécurité. Les précédentes réunions s'étant toutes soldées par un échec.