A Beyrouth, la table est mise. On n'attend plus que les invités. A Beyrouth, la table est mise. L'on n'attend plus que les invités. A 48 heures de l'ouverture officielle des travaux du Sommet arabe, les spéculations sur la présence des uns et l'absence des autres augmente le suspense dans les coulisses du Phoenicia Hotel où se déroulera cette conférence des rois et des chefs d'Etat arabes. C'est d'abord un Sommet pour la Palestine. Mais c'est aussi un baptême du feu pour la monarchie saoudienne qui, vingt ans après le plan Fahd présenté aux Arabes à Fès (Maroc), remet la question de paix avec Israël au goût du jour, en phase avec les retombées du 11 septembre et l'embrasement dans les territoires occupés. Le plan de l'émir Abdallah? L'on en connaît uniquement jusqu'à ce jour les grandes lignes. Mais pour le reste, cela risque de ressembler fort à l'histoire de la partie... immergée de l'iceberg. Aucun président arabe n'a pris connaissance jusqu'à présent de ce plan dans les détails. La vraie mouture de ce plan de paix ne sera présentée que mercredi au sommet par l'émir Abdallah. La paix que veulent construire les Arabes ressemble fort bien à la boîte de Pandore. Et les premiers grincements de scepticisme, sinon d'agacement apparaissent sur les traits des visages des chefs de délégations irakienne, syrienne, libyenne et palestinienne lorsqu'ils sont interrogés sur la faisabilité de ce plan saoudien qui n'a pas encore livré tous ses secrets. Quels changements apporte cette nouvelle initiative de paix saoudienne par rapport au plan Fahd soumis en 1982 aux Arabes au Sommet de Fès? «Land For Peace». Elle tient à ces trois mots devenus magiques depuis les accords d'Oslo qualifiés aujourd'hui de moribonds par les Arabes. «La paix contre les territoires». Voilà en somme le marché que voudraient proposer les Arabes aux Israéliens, avec l'appui de l'administration américaine. Après les déconvenues de la paix avortée Arafat et Rabin, sous Clinton, les Arabes ne veulent pas faire un saut dans l'inconnu pour entériner un nouveau plan de paix qui pourrait se métamorphoser en vrai marché de dupes. Les points de convergence des Etats arabes résident dans l'évacuation par Israël de tous les territoires arabes occupés depuis le 4 juin 1967, le retour des réfugiés palestiniens et la création d'un Etat palestinien ayant pour capitale El-Qods. Quant aux divergences pouvant opposer les participants à ce Sommet, elles se situent principalement dans l'un des points développés dans le plan Abdallah obligeant tous les Etats arabes à normaliser leurs relations avec Israël. La thèse algérienne défendue depuis hier à Beyrouth, n'est pas totalement favorable à cette option et rallie à ses côtés de nombreux partisans. «Wait and see», rétorquent des Arabes. «Qu'avons-nous gagné pour certains à établir des relations diplomatiques ou commerciales avec Tel-Aviv après Oslo?» Les Palestiniens se font massacrer par Sharon, la paix enterrée et les capitales arabes ont rappelé leurs ambassadeurs. «N'allons pas vite en besogne», a déclaré à L'Expression, M.Abdelaziz Belkhadem, ministre des Affaires étrangères. Pour lui, la normalisation avec Israël doit relever du libre choix des Etats arabes à établir ou non des relations avec Israël s'ils les jugent conformes à leurs intérêts. L'intervention du Président Bouteflika est très attendue par le Sommet arabe de Beyrouth. L'Algérie est d'accord pour appuyer un plan stratégique pour la paix au Moyen-Orient, mais elle devra se garder de placer la charrue avant les boeufs. Mettre fin à l'état de belligérance entre Arabes et Israéliens est une option stratégique qui ne devrait laisser personne insensible, mais qu'offre comme garantie à ce geste de paix Sharon? Si les pays occidentaux, les Etats-Unis en tête, oeuvrent surtout pour garantir à Tel-Aviv une normalisation israélo-arabe, l'on n'est pas encore totalement convaincu que Washington, qui parraine le plan Abdallah, ait la volonté politique d'exercer sur Israël les pressions nécessaires à la survie de cette nouvelle option de paix. Et les Etats-Unis seront-ils garants de l'application de ce plan de paix lorsque l'on sait le sort réservé au précédent signé sous le parrainage de Bill Clinton? A la veille de l'ouverture du Sommet, beaucoup d'interrogations taraudent les participants dont notamment celle de la participation ou non de Yasser Arafat qui attend toujours «un geste magnanime des Américains», après la rebuffade de Dick Cheney. Viendra? Viendra pas? Selon M.Abdelaziz Belkhadem qui a eu, quelques heures auparavant, un entretien téléphonique avec lui, tout dépendra des pressions qui seront exercées par Bush sur Sharon. A en croire M.Belkhadem, le leader palestinien refuse de lier sa présence à ce sommet aux conditions drastiques que lui dicteraient les Israéliens. Les intérêts de la résistance palestinienne sont sacrés, et tout amalgame entre une résistance armée contre l'occupant et le terrorisme, tel qu'il est perçu par les Israéliens, est irrecevable. Arafat tient à démontrer qu'il reste souverain dans sa décision d'accepter ou non le plan Abdallah et d'aller à Beyrouth, mais pas au prix du reniement et de la compromission vis-à-vis des intérêts de son peuple. En somme, le président de l'Etat palestinien ne veut surtout pas qu'aux pressions américaines viennent s'ajouter des pressions arabes. Mais si la paix a un prix, il convient surtout pas, en ces heures décisives, de ne pas la brader. C'est tout l'enjeu de ce Sommet où les arrière-pensées des uns se disputent avec les ambitions des autres. Des groupes alliés commencent à se reconstituer comme au temps du Front arabe du refus. L'on assiste à un rapprochement entre Bagdad et Alger, mais aussi entre Alger et Damas. Après la visite du vice-président syrien, Abdelhalim Khaddam à Alger, ce sera au tour de Belkhadem de sceller le 8 avril prochain ce rapprochement qui vient ainsi s'inscrire dans l'air du temps. Plan Abdallah ou boîte de Pandore? Attendons.