Le fils d'Ath El-Ksar est sacré au Festival de la chanson amazighe de Béjaïa. Le dernier Festival de la chanson amazighe, organisé le mois dernier à Béjaïa, a dévoilé tous ses secrets. Une nouvelle fois, la cinquième édition fut à la hauteur des ambitions affichées par les organisateurs, voire même par les participants. Une réussite d'abord sur le plan de l'organisation. En dépit du manque de moyens et de temps, cette édition était, de l'avis de tous les participants, nettement meilleure que les précédentes. Parmi les secrets de cette manifestation, c'est l'émergence de jeunes chanteurs. Ils sont venus complètement de l'inconnu. Une semaine durant, ceux-ci ont prouvé leur savoir-faire dans le monde de la chanson et dans les divers styles. Tous ceux qui n'ont pas eu la chance de faire apprécier leurs voix, à défaut de moyens, d'encadrement et de financement, se sont défoncés, suscitant un grand étonnement chez les professeurs de musique et les membres de jury. Trois styles étaient au menu: le chaâbi, le folklore et le moderne. Pour ce dernier style, une trentaine de jeunes talentueux ont disputé le prix. Ainsi, les talents sont là. La concurrence fut rude. Seule une étoile pouvait donc briller parmi tant de participants. Le plus remarquable fut sans doute le talentueux Djamel qui a su, en l'espace d'une chanson, subjuguer les membres du jury et monopoliser toutes les attentions. Grâce à sa bonne maîtrise de la guitare, à sa musique raffinée et ses textes nostalgiques, le jeune Djamel a bien su conquérir les coeurs des professeurs de musique ainsi que d'autres mélomanes. En interprétant la chanson Ladetsmekthigh (je me rappelle, NdIr), Djamel a pu séduire les membres de jury et d'autres poètes. A travers les thèmes qu'il a abordés, l'enfant prodige d'Ath El Ksar, a bercé les coeurs et fait rêver l'assistance. Devant la commission d'évaluation du festival, le chanteur excella aussi dans la manipulation de la guitare sèche qu'il jouait à merveille. Une fois encore, il s'est distingué dans la chanson moderne, son style préféré, et sa participation a été hautement appréciée par les membres du jury. A travers le texte de cette chanson, l'artiste parle de la nostalgie, de la fraternité et de l'amour de la famille. C'est l'histoire d'une vie ordinaire à l'intérieur d'une maison traditionnelle kabyle. En hiver avec un froid glacial, une forte chute de neige. Djamel chante et se rappelle les moments forts de l'enfance kabyle, caractérisés par les contes racontés par la grand-mère autour d'une cheminée et un plat traditionnel qu'on ne prépare qu'aux personnes les plus chères. Au passage, Djamel n'a pas manqué de rendre hommage, à sa manière, à la Radio nationale de la Chaîne II, au vu des grands efforts et sacrifices fournis pour la promotion de la chanson kabyle et l'identité amazighe. Ecoutant attentivement le texte, on trouve que le chanteur n'a pas cessé d'introduire un nouveau lexique kabyle dans le domaine de la chanson. «A travers l'utilisation de quelques mots académiques du dictionnaire amazigh, je cherche à introduire l'usage d'un certain vocabulaire amazigh au sein de la société. Je veux tout simplement habituer la société à l'usage d'un lexique typiquement kabyle», explique l'artiste. Natif de la commune d'Ath-El-Ksar dans la wilaya de Bouira, Djamel Fattani est diplômé de l'Ecole des beaux-arts de Constantine. Il vient juste de boucler ses 34 ans mais son amour pour l'art et la beauté remonte à son enfance. Depuis, il n'a pas cessé de traduire toutes les choses magnifiques qui nous entourent. C'est lors de la 5e édition du Festival national de la chanson amazighe tenu du 21 au 27 septembre dernier dans la ville des Hammadites, que Djamel s'est une nouvelle fois illustré en remportant avec brio le Premier prix de la chanson moderne. Cette consécration, il l'avait bien méritée d'autant plus que la participation était ouverte à tous les jeunes talents et artistes comme lui et qui étaient nombreux à venir le concurrencer. A Béjaïa, Djamel, qui n'est pas à son premier succès, n'a fait que confirmer ses talents d'artiste, lui qui est peintre, musicien et chanteur compositeur. Djamel et d'autres comme lui sont capables de relever le défi de la chanson kabyle et de lui donner un nouveau souffle, à condition qu'il y ait plus de suivi et d'orientation si l'on cherche vraiment à promouvoir la culture amazighe afin de lui permettre d'aller de l'avant. Côté artistique, on est en droit de se demander si nos chanteurs et musiciens sont continuellement condamnés à évoluer dans l'anonymat et si leur émergence reste dépendante de la tenue des festivals et autres manifestations du genre.