Le président français entame à partir de demain une visite officielle au Maroc de laquelle il est notamment attendu de lui des clarifications de la position de Paris sur les dossiers sahraoui et palestinien. Invité officiel du souverain chérifien Mohammed VI, le président français Nicolas Sarkozy qui visitera le Royaume du 22 au 24 octobre, y prononcera deux discours, annonce-t-on de source proche de la Présidence française. Le premier sera prononcé à Rabat devant le Parlement marocain, lors duquel M.Sarkozy va sans doute mettre en exergue la «qualité» des relations entre la France et le Maroc. Le second, qui aura pour cadre Tanger, sera plus diplomatique, sinon politique, et centré, indique une source élyséenne, sur son projet d'Union de la Méditerranée. M.Sarkozy dévoilera-t-il lors de sa prise de parole la politique qu'il compte initier en direction du pourtour méditerranéen en général, du Maghreb plus particulièrement? Cela d'autant plus que l'Union du Maghreb, UMA, déjà fort malade des dissensions entre ses membres, risque d'être phagocytée par une Union de la Méditerranée que projette de créer Nicolas Sarkozy, et dont on ne sait pas grand-chose pour l'heure. Or, autant que l'UMA, le futur de l'Union autour du pourtour méditerranéen est conditionné par les contentieux pendants que sont les dossiers du Sahara occidental et des territoires palestiniens occupés. Sur l'un et l'autre dossier, la position de Paris n'a pas toujours été celle attendue d'un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Sur le dossier sahraoui, la position de la France est plus que sujette à caution, Paris ayant grandement contribué au pourrissement de la question sahraouie en soutenant l'intransigeance de Rabat sur un conflit qui entre de plain pied avec les textes de l'ONU sur le droit des peuples à l'autodétermination et de défense des droits de l'Homme dont la France s'enorgueillit d'en être l'un des plus intraitables défenseurs. Or, les prédécesseurs de M.Sarkozy, notamment Jacques Chirac et François Mitterrand ont été pour beaucoup dans la paralysie du contentieux du Sahara occidental, notamment au Conseil de sécurité de l'ONU, en couvrant les fuites en avant du Maroc qui contourne les résolutions de l'ONU sur ce dossier et refuse au peuple sahraoui le droit à un référendum d'autodétermination qui lui permette de se prononcer sur son avenir. C'est fort du soutien que Paris lui a toujours apporté que le souverain chérifien n'entend pas se conformer au droit international comme l'exigent les différentes résolutions onusiennes sur le contentieux sahraoui. Aussi, il est curieux de voir la position que Nicolas Sarkozy va développer sur cette question qui n'intéresse pas uniquement le Maghreb, mais l'ensemble du pourtour méditerranéen tant la non-résolution de ce contentieux continuera à bloquer toute perspective dans cette région maghrébo-méditerranéenne. En soutenant une colonisation anachronique, la France tout en empêchant le peuple sahraoui de faire valoir son droit à l'autodétermination, va à l'encontre d'un principe universel qui est la base de la raison d'être des Nations unies dont elle est membre permanent. M.Sarkozy va-t-il enfin corriger cette entorse de la France à la légalité internationale ou poursuivra-t-il une politique qui foul au pied le droit international dont la France se dit le garant et le défenseur. Son discours devant le Parlement marocain à Rabat dévoilera sans doute le fond de la pensée de M.Sarkozy et sa philosophie sur des relations internationales, qui dira si la politique de rupture du nouveau président français s'appuie sur les intérêts bien compris de la France, ou reste guidée par des relations personnelles et «amitiés» au détriment de cet intérêt de la France qu'il entend défendre et protéger. La politique maghrébine de M.Sarkozy sera en fait jugée à l'aune de la position qu'il fera prendre à la France dans le dossier sahraoui dont la politique de l'Elysée à l'égard du Maroc avait contribué au blocage d'une solution équitable. A Tanger, dans le nord du Maroc, lors d'un second discours, Nicolas Sarkozy évoquera son projet d'Union méditerranéenne. Là également, il est attendu du président français des clarifications sur son concept d'Union de la Méditerranée. Est-ce une foucade destinée essentiellement à détourner la Turquie de son projet d'adhésion à l'Union européenne? Le président Sarkozy n'ayant pas caché son opposition totale à l'entrée de la Turquie dans l'ensemble européen. Mais il n'y a pas que la Turquie. Il y a également la question de l'Etat palestinien sur lequel la position de Paris n'est pas réellement claire. Or, l'Union méditerranéenne a peu de chance de voir le jour, sinon d'être ce rassemblement de peuples et de cultures, certes différents -que réunit cependant non seulement le fait d'être riverains de la grande bleue mais aussi de croire aux mêmes idéaux de liberté- que veut promouvoir M.Sarkozy en l'absence d'un Etat palestinien indépendant conformément aux résolutions de l'ONU et notamment ses résolutions 242 et 338 de 1967 et de 1973? Or, sur cette question la France a toujours été vague et Paris n'a jamais été ferme quant au respect par Israël du droit du peuple palestinien et de l'érection de l'Etat palestinien sur les territoires occupés en 1967 avec pour frontière la ligne verte. C'est cette absence de consensus européen sur le dossier palestinien qui a fait capoter le processus de Barcelone qui n'a jamais été en position d'atteindre les objectifs qu'il s'est tracés. L'Union méditerranéenne que M.Sarkozy va évoquer à Tanger connaîtra sans doute le même sort que le Processus de Barcelone si l'impasse est encore faite sur un contentieux qui, en réalité, détermine tout projet en direction de la région méditerranéenne, tant il est vrai qu'il ne peut y avoir de coopération à long terme ni d'union régionale si les Européens, et particulièrement les Français, continuent leur politique de l'autruche vis-à-vis d'Israël alors que le drame palestinien perdure depuis six décennies. Au Maroc, c'est la position que Nicolas Sarkozy développera sur ces thèmes qui dira si le nouveau président français est celui de la rupture qu'il veut être ou celui d'une continuité qui a fait beaucoup de dégâts tant à la France qu'à ses partenaires arabes et maghrébins.