La mise en application des objectifs de l'Etat de «faire de Saidal un géant» suscitera un violent tir de barrage. Il est clair que les dernières propositions du ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements sur «la nécessité pour les opérateurs du secteur (du médicament Ndlr) d'envisager le fusionnement pour faire face aux contraintes et difficultés et accroître les potentialités de la production nationale» ainsi que sur le projet de l'Etat de faire du groupe Saidal «un géant de l'industrie pharmaceutique en Algérie et encourager l'émergence de petites entreprises pour servir ce géant» introduisent de nouvelles donnes dans le marché du médicament et touchent à des intérêts politico-financiers énormes. Une telle annonce de bouleversement entraîne déjà des oppositions sous des prétextes aussi fantaisistes que fallacieux. Ainsi, il faut savoir que, pour la première proposition de «l'appel aux opérateurs du médicament à fusionner», la plupart de ces opérateurs sont principalement des importateurs qui font accessoirement dans le conditionnement. Quant à leur partie production, celle-ci est plus proche de l'artisanat que de l'industrie. Alors et dans ces conditions, fusionner quoi et avec qui? Car il faut savoir que les deux ou trois producteurs privés qui se détachent du lot ne sont nullement intéressés de se séparer des laboratoires internationaux avec qui, ils travaillent pour «fusionner» et verser dans le générique. «Un fil à la patte» qui rapporte gros pour eux. Ce qui revient à dire que M.Temmar serait bien naïf de croire que les opérateurs auxquels il s'adresse vont tout plaquer et suivre son projet pour «les beaux yeux du pays». Espérer en un patriotisme économique qui a cours dans les pays développés, c'est tout d'abord réussir à inculquer le patriotisme tout court. Ce qui n'est malheureusement pas encore le cas. Loin s'en faut. Il est permis de douter de la suite qui sera réservée par les opérateurs aux sollicitations du ministre de l'Industrie, même si des incitations (fiscales, bancaires, etc.) sont accordées. Pour nos opérateurs, rien n'est plus incitatif que l'euro et la revente en l'état. Sans plus de commentaires. Reste la deuxième proposition de «faire du groupe Saidal un géant de l'industrie pharmaceutique». Une telle proposition appelle plusieurs remarques. D'abord elle «signe» la réussite du groupe. Les travailleurs de ce groupe ne peuvent être que fiers d'entendre une telle reconnaissance officielle même s'ils connaissaient le niveau de leurs exploits. L'autre remarque est qu'une telle démarche écarte le groupe de la privatisation qui risque, par le truchement des écritures, à le mettre sous la coupe précisément des laboratoires étrangers. Enfin, il faut souligner que c'est là aussi le couronnement d'un long combat mené par Saidal contre les puissants lobbies étrangers relayés par certains de leurs clients-importateurs locaux. Un combat qui sera forcément exacerbé avec la nouvelle stratégie de l'Etat algérien de développer encore plus les capacités de Saidal. De l'avis même de quelques responsables du groupe, approchés, il est possible d'arriver au plus vite à l'objectif affiché par M.Temmar. «Nous avons les compétences et les moyens d'y arriver. Nous n'avons pas besoin de grossir mais de grandir. Pas d'augmenter notre chiffre d'affaires mais d'investissements dans les équipements. Et vous verrez de quoi nous sommes capables!» affirment-ils très sûrs d'eux. Et d'ajouter à propos des règles de l'OMC: «Sans verser dans aucun protectionnisme, la production locale peut, par la qualité, par les prix se faire une place sur le marché national et même international. Les différents rounds de l'OMC sont justement faits pour la négociation. L'OMC ne refuse pas la négociation. Rien n'est hermétiquement fermé.» Quand on voit les manoeuvres protectionnistes américaines sur les produits chinois comme dernièrement, par exemple, pour les jouets, on se dit qu'on pourra faire en sorte que les médicaments algériens profiteront d'abord aux Algériens. Ce qui les mettra au moins à l'abri de la contrefaçon dont la destination de prédilection restera toujours les pays émergents. Une chose est sûre, la mise en application des objectifs de l'Etat de «faire de Saidal un géant» suscitera un violent tir de barrage avec toute la puissance de feu des multinationales qui ne voudront pas lâcher facilement le «gâteau». Des échantillons de ces tirs ont été déjà «servis» comme la tentative de sabotage de l'unité d'insuline de Constantine, à quelques jours de son inauguration par le président de la République.