J'ai eu l'occasion de participer au lancement de deux quotidiens. Liberté en 1992 et L'Expression en 2000. C'est un plaisir de voir que ces deux bébés sont devenus des titres importants qui comptent dans le paysage médiatique algérien. En fait, pour quelqu'un qui vient d'Algérie Actualité, la chose n'était pas évidente au départ. Le travail dans l'hebdomadaire vous crée de ces angoisses incroyables liées au syndrome de la feuille blanche. Dans un quotidien, et au bout de quelques jours de pratique, on est libéré de l'inhibition et des contraintes existentielles. On acquiert rapidement des réflexes d'écriture. Et c'est quelque chose de fascinant. Et en même temps qui génère ses propres angoisses. Car la couverture de l'événement au jour le jour, parfois heure par heure, en temps réel, comporte sa part de passion et de contraintes. Si on éprouve du plaisir à traiter certains sujets, quand ils touchent à l'actualité immédiate, ou qu'ils abordent la vie quotidienne des gens, en revanche, on rencontre souvent des sujets qui sont rébarbatifs et on ne les aborde qu'à contrecoeur. Cependant, le métier nous oblige à traiter les premiers comme les seconds, sans état d'âme. Ainsi va la vie. Le médecin ne soigne pas que les malades sympathiques. L'avocat ne défend pas que les causes des gens honnêtes. Le mécanicien ne répare pas que les belles voitures. Très souvent, on n'a pas le recul nécessaire à la meilleure compréhension de l'événement, tant est forte la pression de l'actualité. Dans le foisonnement auquel nous invite l'actualité quotidienne, il n'est pas toujours facile de séparer le bon grain de l'ivraie, et très souvent, il est préférable de livrer l'information au lecteur en le laissant seul juge. Malheureusement, ce n'est pas toujours possible. Alors on met notre grain de sel. Mais le lecteur, qui n'est pas dupe, ne prend pas nos commentaires pour argent comptant. Il sait, lui aussi, fort heureusement, distinguer le vrai du faux. L'intox saute aux yeux, comme le nez au milieu du visage. On sent qu'il y a volonté de manipulation de la part de milieux divers, des lobbies, des groupes d'intérêt, que chacun voudrait qu'on voie midi à sa porte, et que nul n'accepte un regard critique, voire détaché. Et c'est là qu'on apprend, toujours sur le tas, que l'expérience personnelle compte autant que les feux de l'actualité.